Elle était l'une des dernières survivantes de la Shoah. Magda Hollander-Lafon s’est éteinte le 26 novembre à Rennes (Ille-et-Vilaine) à l’âge de 96 ans.
« Bousculée vers un destin fragile »
Née en Hongrie dans une famille de confession juive, Magda Hollander-Lafon avait 16 ans quand elle a été déportée. Sur le conseil d’un autre déporté, elle évita les chambres à gaz en mentant sur son âge aux portes du camp d’Auschwitz-Birkenau (Pologne), prétendant avoir 18 ans. « Très vite, on a fait naître un autre moi que de grosses bêtes noires et dentues bousculent vers un destin fragile », écrivit-elle dans Quatre petits bouts de pain. Des ténèbres à la joie (Albin Michel, 2012). Elle fut la seule de sa famille à survivre.
Libérée par les Américains en 1945, elle devint psychologue pour enfants en Belgique avant de s’installer définitivement en Bretagne dans les années 1950. C’est en 1978 qu’elle sortit du silence, quand le journaliste négationniste Louis Darquier de Pellepoix prétendit qu’à Auschwitz, on ne gazait que des poux. « Si l’être humain est un pou, alors l’univers est un pou », rétorqua-t-elle. En revendiquant son statut de survivante aux horreurs nazies, elle s’est tournée vers les jeunes générations et a témoigné devant près de 20 000 enfants selon Bayard, son dernier éditeur.
Deux livres au message plein d’espoir
En 2012, Albin Michel fit paraître le premier livre de Magda Hollander-Lafon, Quatre petits bouts de pain. Des ténèbres à la joie. Par-delà le témoignage, l’autrice y médite sur la spiritualité et la nécessité de s’accrocher aux rares moments de grâce qui font rester vivant dans la plus sombre des situations. Réédité par le Livre de poche en 2014, il s’est écoulé à 15 630 exemplaires et a remporté le Prix du livre de spiritualité 2012 et celui de la littérature religieuse en 2013. Le second, Demain au creux de nos mains (Bayard, 2021) revient sur ses échanges avec les enfants et les adolescents, incitant à une transmission heureuse et pleine d’espoir plutôt que mortifère.
Le titre Quatre petits bouts de pain fait référence à une femme mourante qui avait donné à Magda Hollander-Lafon sa pitance à Auschwitz, alors que la future autrice commençait à s’enliser dans la dépression. « Tu es jeune, tu dois vivre, pour dire au monde ce qui se passe ici, et que ça n’arrive plus jamais », lui avait-elle dit. Érigeant cette phrase comme un principe, la rescapée s’est battue contre toutes les discriminations jusqu’à la fin. Préoccupée par la montée de l’extrême droite en Europe, elle avait déclaré à Ouest-France en 2018 : « Attention au nazi qui sommeille en chacun de nous. »