Une fillette nue brûlée par le napalm courant en pleurs, un bonze s'immolant en pleine rue... Ces images connues sont celles d'une guerre, la guerre du Viêt-Nam, guerre des Américains contre un pays à jamais éponyme d'un conflit sanglant. Guerre fratricide surtout, opposant les communistes au Nord à un régime capitaliste au Sud soutenu par les Etats-Unis à grand renfort de GI's et de bombes.
Après Le sympathisant (Belfond, 2017), magistrale fresque d'amitié et de trahison sur fond de guerre du Viêt-Nam, qui lui valut le prix Pulitzer, Viet Thanh Nguyen revient avec un essai, Jamais rien ne meurt, et des nouvelles, Les réfugiés. Dans l'essai, l'auteur né en 1971 au Viêt-Nam mais également un « produit de l'Amérique » où il a grandi, réfléchit au rôle de la mémoire dans le processus d'identité nationale et individuelle. Les chapitres : « Se souvenir de ses semblables », « Se souvenir des autres », « Le problème de l'asymétrie »... sont les facettes d'une même grande interrogation sur les périls de l'essentialisation et l'ignorance des structures de domination. Il rappelle avec Martin Luther King que « le problème du racisme, le problème de l'exploitation économique et le problème de la guerre sont tous liés entre eux ». Nguyen analyse Apocalypse now de Coppola comme Le chagrin de la guerre de Bao Ninh, grand roman des défaits de la victoire. Convoquant philosophes (Ricœur, Derrida, Levinas), écrivains et penseurs (Soljenitsyne, Judith Butler), Nguyen essayiste écrit contre l'oubli des vaincus, tous les vaincus, ces individus broyés par les rouages de l'Histoire (aussi les Coréens venus combattre sur le front vietnamien)... Nguyen nouvelliste entend restituer en chacune des histoires des Réfugiés cette mémoire non dite, anonyme, qui pétrit pourtant l'existence des Vietnamiens de l'ancien régime sudiste, exilés aux Etats-Unis. Rescapés en tant que boat people, habitant « Little Saigon », enclave communautaire en Californie, ils sont devenus épiciers, manucures. Ils sont confrontés au choc des cultures- confucéenne contre libérale nord-américaine. Untel est parrainé par un couple gay à San Francisco, telle autre est visitée par le fantôme d'un fils noyé en mer. Tous sont hantés par le passé.
Les réfugiés - Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Clément Baude
Belfond
Tirage: 7 500 ex.
Prix: 20 euros ; 216 p.
ISBN: 9782714478054
Jamais rien ne meurt - Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Valérie Bourgeois
Belfond
Tirage: 3 800 ex.
Prix: 20 euros ; 416 p.
ISBN: 9782714478252