avant-portrait

Rhéa Galanaki assure "qu’être née en Crète [lui] donne une grande sensibilité". Cette fille de médecin a été bercée par les histoires de ses grands-mères et la mythologie grecque. "Chez nous, le passé coexiste constamment avec le présent", dit-elle. L’élève modèle dévorait des livres. Elle était "curieuse", mais aussi "taciturne et révoltée". Du coup, elle fuit dès ses 18 ans le nid familial pour suivre l’homme aimé. Embarqué dans la révolte estudiantine contre la dictature des colonels, celui-ci est jeté en prison. La jeune femme engagée s’inscrit à l’université tout en écrivant des poèmes et des articles contre le pouvoir. Les tyrans sont renversés, mais Athènes reste "le théâtre symbolique de la démocratie, la tragédie et la comédie. Ce livre en est l’élégie, il chante ses louanges et ses deuils", explique l’auteure. De par sa passion pour sa ville natale, Rhéa Galanaki devient conseillère municipale, tout en célébrant cette source d’inspiration. "Ecrire est un besoin vital. Je dois me débarrasser de mon imaginaire pour faire peau neuve."

Modifier l’âme humaine

"La littérature n’a pas le pouvoir de changer le cours de l’histoire, mais elle peut modifier l’âme humaine, estime-t-elle. Les artistes nous sensibilisent aux problèmes de leur temps : l’identité, la crise, les migrants ou l’extrémisme." Autant de thèmes présents dans son œuvre, enseignée à l’école et reconnue par l’Unesco. Galaade publie L’ultime humiliation car ce texte s’inscrit dans sa philosophie "entre poétique et politique". Il décrit une Grèce mythique transformée en "oisillon blessé". "La crise actuelle imprègne la vie quotidienne. Impossible de la passer sous silence, tant de gens subissent ses conséquences." Parmi eux, deux dames retraitées quittent leur foyer pour se fondre dans la foule athénienne. Tirésia et Nymphe se laissent emporter par le mouvement insurrectionnel de 2012, qui voit le peuple grec se battre pour ses droits. "Quelque chose a été détruit en nous", juge l’auteure, persuadée "qu’un homme en vie est un homme en lutte". Voici donc "un chœur de sans-voix" pris dans ce tourbillon de frustrations, engendrant la violence ou la création d’un parti néonazi. "L’Europe ne doit pas oublier ses valeurs, or elle n’a pas un visage unique", observe Rhéa Galanaki. Son roman ne masque point ces faces sombres, mais il cultive aussi la fantaisie, la générosité ou le courage. "Mes héros sont des gens ordinaires, pourtant ils résistent, pointe-t-elle. La générosité reste la dernière parcelle humaine. Malgré tout ce qu’on vit aujourd’hui, je garde espoir en l’homme."Kerenn Elkaïm

Rhéa Galanaki, L’ultime humiliation, Galaade, traduit du grec par Loïc Marcou. Prix : 24 euros, 300 p. Sortie : 1er septembre. ISBN : 978-2-35176-433-6

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