2 mai > Essai France

Jean Rouaud- Photo HANNAH ASSOULINE/FLAMMARION

Michel Houellebecq se demandait récemment si le monde était encore digne de la poésie. Jean Rouaud pense qu’il y a encore de l’espoir. En témoigne ce petit manifeste qui prend à la gorge le sujet le plus éloigné qui soit du poète, à savoir le marché. Non pas celui où l’on fait ses courses, mais celui des traders et du profit, celui de l’argent que François Hollande avait désigné comme son ennemi invisible lors de la campagne présidentielle.

Certes, contre ce marché-là, la littérature ne peut rien. Sauf qu’elle peut dire, nommer et condamner. C’est ce que fait l’auteur des Champs d’honneur (prix Goncourt 1990) qui, au passage, explique à Nicolas Sarkozy, alors ministre, qu’il n’avait sans doute de son roman lu que le titre…

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Mais ici, ce n’est pas l’ancien président de la République qui est en question, même si l’ouvrage reprend deux chroniques parues dans la presse autour du thème de l’identité nationale, mais ce monde virtuel comme il ne va pas. Jean Rouaud a une formule pour cela, en ouverture de son opuscule : « Les intérêts financiers ne sont pas nos intérêts. » Il ne voit donc pas pourquoi il faudrait rassurer ces marchés qui ne nous rassurent guère. Au contraire. « La seule façon que nous ayons de nous en défendre, c’est de marquer pour ces choses notre désintérêt. »

Mais peut-on se désintéresser d’une chose aussi présente, aussi oppressante ? Peut-on refuser l’obsolescence programmée des appareils, les OGM, les toujours nouveaux produits high-tech ou la dématérialisation qui devient dépossession ? A tout cela, l’écrivain répond : troc, don, partage, respect, Lévi-Strauss. Il montre que l’utopie passe aussi et surtout par la littérature, la poésie, les mots, le « ça ne m’intéresse pas ». A l’injustice, n’ajoutons pas le silence. Jean Rouaud le dit avec force dans ce « désintéressez-vous ! ». C’est son Indignez-vous ! à lui. L. L.

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