5 septembre > Premier Roman France

De l’auteur, on ne saura pas grand-chose. Il a 27 ans et se présente comme un musicien. Mais c’est déjà une piste : si l’on est saisi aux premières pages du Pyromane, son premier opus littéraire, c’est avant tout une question de travail de la langue - une écriture comme on en trouve désormais rarement, pleine et soignée, écho d’un temps lointain où la plume bouclait les phrases moins vite que le clavier de l’ordinateur. C’est dans ces phrases que se déploie le récit d’un personnage anonyme, qui vit pratiquement reclus dans son appartement, terrifié à l’idée que celui-ci prenne feu. Un pyromane, donc, par l’obsession et non d’abord par l’action. Par ses fenêtres, dieu merci, peu de soleil susceptible de déclencher l’incendie : seule la flèche de la cathédrale de Strasbourg menace à l’horizon.

L’intrigue, on le voit, est ténue - peut-être, comme le suggère son déroulement un peu anarchique, parce qu’elle n’est pas essentielle. Le récit est plutôt le lieu de méditations hallucinatoires sur ce qu’il faut appeler le réel, un réel devenu cauchemardesque, c’est-à-dire signifiant. Entre la folie du monde, saturé de chats morts, de faits divers et de voisins dostoïevskiens, et la conscience troublée, un lien se crée : «L’impression m’est apparue qu’il existe une corrélation entre mon état et l’embrasement du monde […] - même si je ne sais pas qui, de moi ou du monde, s’est propagé à l’autre. » De là, chaque seconde de panique latente est l’occasion d’un émerveillement comme métaphysique à propos des événements et des choses, surtout des choses. Sous le regard de cet homme, qui tient du Conformiste pour l’écriture et du Journal d’un fou de Gogol pour la progression, elles s’animent peu à peu et se dotent d’une vie propre, entre ruse complice et conjuration inquiétante. Quelle présence gouverne tout cela ? Du brasier de l’esprit se dégagent quelques flèches, pointées vers le ciel avec la cathédrale, ou vers un repli obscur d’un grand combat intérieur, où Bernanos aussi aurait pu trouver son compte. Une voix s’est fait entendre, musicale et singulière. Reste à trouver ce qu’elle a à nous dire. Fanny Taillandier

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