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Boualem Sansal retoqué par l’Académie française

Boualem Sansal - Photo Olivier Dion

Boualem Sansal retoqué par l’Académie française

L’Académie française n’a pas voté le mécanisme de « présentation » proposé par Jean-Christophe Rufin qui lui aurait permis d’accueillir en urgence Boualem Sansal, arrêté et détenu en Algérie depuis plusieurs jours.

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Par Jean-Claude Perrier
Créé le 29.11.2024 à 19h09

Jeudi 28 novembre, séance exceptionnelle et mouvementée quai de Conti. L’Académicien Jean-Christophe Rufin a en effet proposé qu’en vertu du mécanisme statutaire de « présentation », qui permet de soumettre une candidature en l’absence de la personne concernée, l’élection à l’un des trois fauteuils actuellement vacants sous la Coupole soit déclarée ouverte et que celui-ci soit attribué dans les plus brefs délais à Boualem Sansal.

Dans un texte rédigé et lu à ses collègues, l’ancien « french doctor » et diplomate, habitué des situations de crise, insiste sur le traitement inique réservé par le pouvoir algérien à l’écrivain, sa vulnérabilité, ses engagements, son courage : « Un homme (…) qui a refusé toutes les protections, qui n’a jamais voulu fuir et qui est resté enraciné dans sa terre natale quand même il y risquait sa vie ».

Institution de la République

Il cite les prestigieux soutiens dont bénéficie déjà l’auteur du Serment des barbares : nombreux prix Nobel de littérature, lauréats du grand prix de l’Académie française, président de l’Académie Goncourt, grands écrivains étrangers, comme Salman Rushdie. Se fiant plus aux intellectuels, créateurs et artistes qu’aux politiques, Jean-Christophe Rufin réaffirme « le droit absolu à la liberté d’expression de l’écrivain », et invite ses collègues à placer Boualem Sansal sous la protection de l’Académie française, « institution de la République » dont « les membres ont un rang officiel dans l’ordre protocolaire », elle-même « placée sous la protection du chef de l’État et cette protection s’étend à tous ses membres ».

Il ajoute que la procédure de « présentation » a déjà été utilisée par l’Académie pour élire un ancien président de la République, un prix Nobel, ou encore des ecclésiastiques.

Rappelons que Boualem Sansal, écrivain binational résidant à Boumerdès, à une cinquantaine de kilomètres d’Alger, mais qui était sur le point de s’installer en France, a été arrêté sans motif le 16 novembre à l’aéroport d’Alger, détenu arbitrairement sans pouvoir communiquer, puis présenté à un juge qui l’a inculpé d’un certain nombre de délits politiques, parmi lesquels la « haute trahison ». Il encourt la prison à vie, voire la peine de mort. Il se trouve actuellement dans un hôpital d’Alger, sans contact avec l’extérieur, avant de rejoindre sa prison.

Une décision prise pour ne pas envenimer les relations franco-algériennes

Malgré la qualité de l’œuvre de l’écrivain, déjà récompensé deux fois par l’Académie française, l’urgence de sa situation, en tant que bouc émissaire des relations dégradées entre l’Algérie et la France, et la flamme de Jean-Christophe Rufin, ses confrères ne l’ont pas suivi dans sa démarche, craignant que ce nouveau soutien prestigieux affiché n’envenime encore les choses du côté algérien.

En revanche, lors de la séance solennelle de remise de ses grands prix jeudi prochain 12 décembre, l’Académie française devrait rendre un hommage appuyé et fraternel à Boualem Sansal. Puisse-t-il lui parvenir jusqu’au fond de sa geôle.

Jean-Christophe Rufin s’est dit très déçu de cet échec, qui, selon lui, aurait ancré l’Académie dans l’un des grands combats de notre temps, où que ce soit, celui pour la liberté d’expression, de plus en plus menacée par la censure, la répression, l’obscurantisme.

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