En 1985, alors qu’elle est atteinte d’un cancer qui va l’emporter, Claudia, la mère de Mylène Demongeot, consent à lui raconter sa vie à la condition que cette dernière s’engage à en faire un livre. L’actrice, qui a marqué la fin des années 1950 et les années 1960 (Les sorcières de Salem, Sois belle et tais-toi, Bonjour tristesse, Les trois mousquetaires, Fantômas…) avec Brigitte Bardot, à laquelle elle a souvent été opposée et avec laquelle elle partage l’amour des animaux, tiendra parole avec Les lilas de Kharkov (Hachette, 1990 ; dernière réédition, Pygmalion, 2009). De ce récit riche en rebondissements, Claire Bouilhac et Catel Muller tirent une épopée familiale qui met en regard les trajectoires de la mère et de la fille.
La première, née en 1904 à Kharkov, en Ukraine, a été abandonnée pendant deux ans, avec son frère et sa sœur aînés, par son père qui a quitté le foyer pour une autre femme, et par sa mère partie à sa recherche. Elle traverse la révolution russe dans une misère noire. Les parents revenus en 1919, la famille s’exile à Harbin, en Chine du Nord. Mais Claudia y subit les assauts incessants de son père. Elle épouse à 15 ans un homme de dix ans son aîné dont elle se débarrasse rapidement mais qui la laisse enceinte. Son fils sous le bras, là voilà à Shanghai, entretenue par l’un des hommes les plus riches de la ville. Avant d’autres rencontres et l’arrivée en France.
La seconde met en sourdine la carrière que l’on sait pour une relation passionnée avec le réalisateur Marc Simenon, fils de l’écrivain, qui sera dévoré par son alcoolisme. Au rythme des conversations de Mylène Demongeot avec sa mère, les deux dessinatrices restituent les deux trajectoires en parallèle. Jouant sur les convergences et les complémentarités de leurs traits, elles se sont partagé le travail : Catel suit l’actrice ; Claire Bouilhac, le parcours édifiant de sa mère. Une femme dotée d’une volonté peu commune, séductrice et manipulatrice hors pair, mais pour laquelle sa fille, pourtant cible de ses critiques, conserve une tendresse infinie. Fabrice Piault