En ces jours de canicule préestivale, qu’elle aborde nantie d’un blouson de cuir qui n’est plus guère de saison et d’un nouveau roman qui part joliment dans tous les sens pour mieux la ramener à elle, Diane Meur est réfugiée dans le coquet bureau de son éditrice. Loin de s’abandonner à la douceur des jours, elle s’inquiète. Qu’en est-il de La carte des Mendelssohn, qui lui échappa tant et si bien qu’elle paraît douter d’en être venue à bout ? Qu’en dire qui n’en trahisse pas la belle indécision, son vagabondage fertile ?

Remords et exaltation

Au départ, il y eut un départ, un adieu à Berlin où la romancière résida trois ans entre 2010 et 2012. Revenant à Paris, la romancière ramène avec elle moins qu’une idée, un grand-père et son petit-fils. Le premier, Moses Mendelssohn (1729-1786) était un philosophe juif allemand attaché aux Lumières. Le second, Felix Mendelssohn (1909-1847), était le compositeur romantique du Songe d’une nuit d’été, entre autres. Entre les deux se glisse pour Diane Meur la fiction, c’est-à-dire le fils de l’un, le père de l’autre, le banquier Abraham Mendelssohn. Et avec lui surgit bientôt, plus inattendue, toute la structure familiale. Le livre initial de se muer peu à peu en une cavalcade à travers les siècles qui va emporter son auteure, pourtant prévenue des exigences du récit historique (fantaisie et vérité), bien au-delà de ce qu’elle imaginait, sur des terres d’écriture encore vierges.

Seize mois plus tard, seize mois de remords et d’exaltation, elle dit qu’elle a "cru que ce bouquin allait avoir [sa] peau. Je n’ai vraiment su l’avoir fini qu’en en lisant les épreuves. C’est devenu le récit du livre que je n’arrive pas à faire, un "Comment je n’ai pas écrit la saga des Mendelssohn"." C’est un livre-monde en effet, à la structure éclatée en rhizomes, comme métaphorique de nos vies sous la toile Internet. Le livre de tous les Mendelssohn donc, dans lequel Diane Meur "se joue la peau", se décrivant elle-même erratique et obstinée. "C’était tout de même un exercice de liberté totale, très enivrant", avoue-t-elle.

Les livres, c’est ce qui demeure dans la vie de Diane Meur. Ceux qu’elle écrit bien sûr, cinq romans à ce jour depuis La vie de Mardochée de Löwenfels écrite par lui-même, que publie son éditrice de toujours, Sabine Wespieser, en 2002. Ceux qu’elle traduit, de l’allemand surtout (Nizon, Musil, Heine et des sciences humaines), et aussi parfois de l’anglais. Ceux d’abord, les romans d’Arsène Lupin, qui donnent à la petite fille ardente du quartier d’Uccle à Bruxelles, la volonté de ne pas se laisser interrompre dans sa lecture. "Les livres débordent de vie… Comme les cimetières, non ?" Quant à en écrire elle-même, l’idée lui en est venue enfant, à l’arrière de la voiture de ses parents, en voyant défiler les paysages comme autant de propositions d’histoires. Diane Meur dit "ne jamais comprendre ce [qu’elle est] en train de faire". Olivier Mony

Diane Meur, La carte des Mendelssohn, Sabine Wespieser, Prix : 25 euros, 483 p,, Sortie : 27 août, ISBN : 978-2-84805-191-8

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