On le rencontre le jour où se tourne une page. Mardi 30 avril, alors qu'un printemps encore timide réchauffe à peine les muses du Grand-Théâtre de Bordeaux, à la terrasse d'un café qui lui fait face, Didier Pourquery annonce quitter la direction du site theconversation.fr, qu'il assure depuis sa création voici quatre ans. The Conversation sera peut-être la dernière grande aventure journalistique de cet homme qui en eut tant et qui prétend, la soixantaine venue, aspirer à s'abstraire un peu des remous du quotidien, mais on ne le jurerait pas. Voilà plus de quarante ans que c'est son biotope, sa quête inlassable. « Je n'ai pas de vocation d'enquêteur, dit-il, ce métier je l'ai toujours vécu comme un outil de partage du savoir, des découvertes, de compréhension du monde. »
Economie et journalisme
Tout a commencé bien avant cette année 1978 où Didier Pourquery publia ses premiers articles. Pour cet enfant des quartiers populaires de Bordeaux sur la rive droite de la Garonne (qu'il observe aujourd'hui ému depuis son bureau de Président de « Cap Sciences », une sorte de « Cité des sciences » bordelaise, située sur l'autre rive du fleuve), ce fut se souvient-il, le jour de ses 10 ans. Ce jour-là, il reçut le plus beau cadeau de sa vie : une imprimerie. « C'est peut-être de là que me vient mon goût, moins des fictions que des explications. » Elevé par ses grands-parents maternels - un grand-père maçon et une grand-mère ouvrière dans une usine de chaussures -, loin de tout misérabilisme social, il conserve de ces temps un souvenir heureux. Parmi eux, la collection complète du Livre de poche de sa tante et les premiers livres des éditions Rencontre (sorte de France Loisirs avant l'heure). Il restera à Bordeaux jusqu'en 1972 et l'obtention de son bac, mais ne cessera d'y revenir, jusqu'à partager désormais son temps entre Paris et la Gironde, sa thébaïde du Pian sur Garonne, nichée entre le Malagar de Mauriac et le Malromé de Toulouse-Lautrec... « Je suis un gascon », affirme-t-il fièrement.
Puis, il y aura une vie, entamée durant un an dans le Missouri à Columbia où il rencontre ceux qu'il appelle« mes parents américains »avant Paris, Sciences-Po où il découvre l'importance de l'économie qui fera sa carrière dans le journalisme. D'abord àLibération, puis auMonde, àLa Tribuneou même àMetro(dont il lance la version française). C'est aussi grâce à ça qu'il publiera ses premiers livres dont ce grand lecteur de Céline, Cendrars, Henry Miller ou Brautigan dit pourtant qu'« ils ne sont qu'une autre façon de faire du journalisme ». Une façon bien à lui, comme le prouve cette Histoire du hamburger-frites qu'il publie aujourd'hui, passionnante enquête historique, sociologique et forcément politique, écrite à l'aune des Mythologies barthesiennes. Un texte personnel tant s'y révèle l'amoureux éternel d'une Amérique dont il ne parviendra jamais à oublier le rêve universaliste. Il est vrai que depuis L'été d'Agathe, diamant noir et bouleversant consacré au dernier été de sa fille, disparue à 22 ans des suites de la mucoviscidose, il ne fait pas doute que dans l'écriture de soi, Didier Pourquery est désormais d'abord un homme entouré d'ombres, c'est-à-dire un écrivain.
Une histoire de hamburger-frites
Robert Laffont
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 10 euros
ISBN: 9782221241684