Avant-critique Récit

Dominique Auzel, "Ouvriers, artisans du beau selon Caillebotte" (HD Ateliers Henry Dougier)

Dominique Auzel - Photo © DR/HD Ateliers

Dominique Auzel, "Ouvriers, artisans du beau selon Caillebotte" (HD Ateliers Henry Dougier)

Construisant son livre autour du tableau Les raboteurs de parquet, l'historien du cinéma Dominique Auzel brosse un portrait inspiré du peintre impressionniste Gustave Caillebotte.

Parution 28 août

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Par Jean-Claude Perrier
Créé le 29.08.2024 à 09h00

Cher Gustave. À sa mort, en 1894, à 45 ans, Gustave Caillebotte léguait à l'État français soixante-sept tableaux, que, fort riche, il avait achetés à ses amis souvent impécunieux qu'il admirait, se faisant ainsi leur mécène : Degas, Manet, Cézanne, Monet, Renoir, Sisley, Pissarro, Millet... Comme quoi, Caillebotte n'était pas seulement un grand peintre impressionniste − même s'il fallut attendre les années 1970 pour que, sous l'influence des collectionneurs et des musées américains, il soit reconnu à sa juste valeur − mais également un homme de goût et un collectionneur plus qu'avisé. Dans leur grande clairvoyance, les autorités de l'époque n'acceptèrent que trente-huit tableaux sur l'ensemble, qui, après le musée du Luxembourg, le Louvre et le Jeu de Paume, font aujourd'hui la renommée du musée d'Orsay.

Souvenons-nous que l'impressionnisme eut bien du mal à être accepté par la critique académique, et que les sublimes Raboteurs de parquet, le chef-d'œuvre de Caillebotte qui sert de cœur au livre de Dominique Auzel, furent refusés en 1875 par le jury du Salon officiel, sous prétexte que le sujet, trois ouvriers à moitié nus en train de raboter le parquet de son propre appartement, rue de Miromesnil, était « vulgaire ».

Au passage, Dominique Auzel étudie la fascination du peintre pour le corps masculin, vêtu ou nu, relevant que Caillebotte n'a peint que deux nus féminins parmi ses 475 tableaux (en vingt ans seulement de carrière), tandis que, par exemple, il a représenté pas moins de sept fois son camarade de faculté Richard Gallo, demeuré son ami le plus proche. De là à voir chez lui un penchant homosexuel, comme chez son collègue malheureux Frédéric Bazille (tué à 28 ans durant la guerre de 1870), il n'y a qu'un pas.

Dominique Auzel donne la parole à un certain nombre d'acteurs de l'entourage de Gustave Caillebotte, comme son frère très cher Martial, compositeur puis photographe, qui s'occupa de ses obsèques (en grande pompe et affluence, à Notre-Dame-de-Lorette, dont le curé était leur demi-frère Alfred) et de sa succession, laquelle causa grand scandale ; ou encore Anne-Marie Hagen, alias, on ne sait pourquoi, Charlotte Berthier, qui fut sa dernière compagne, peinte notamment en 1886 dans leur jardin du Petit-Gennevilliers. Comme son grand ami Monet, Caillebotte était passionné d'horticulture et de jardinage.

La postérité, enfin, lui a rendu justice : Les raboteurs de parquet trônent en majesté au musée d'Orsay et, en 2021, son Jeune homme à sa fenêtre a été acheté par le J. Paul Getty Museum de Los Angeles la bagatelle de 53 millions de dollars. Une apothéose méritée pour le généreux, discret et excellent Gustave Caillebotte.

Dominique Auzel
Ouvriers, artisans du beau selon Caillebotte
HD ateliers Henry Dougier
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 13,90 € ; 112 p.
ISBN: 9791031206141

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