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Dossier Economie et gestion : au plus près de l’entreprise

Olivier Dion

Dossier Economie et gestion : au plus près de l’entreprise

Sur un marché languissant, les éditeurs d’économie et de gestion continuent de miser sur l’innovation avec une production cherchant à répondre au mieux aux enjeux de l’entreprise.

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Par Charles Knappek
Créé le 07.10.2016 à 14h00

Après une timide embellie en 2015, le marché des ouvrages d’économie et de gestion a accusé un repli au cours des douze derniers mois. Une mauvaise performance à mettre presque exclusivement au passif des "sciences économiques" alors que la "gestion d’entreprise" se maintient.

Si les essais souffrent particulièrement, il y a des exceptions. Les Puf enregistrent une spectaculaire progression de leur activité sur ce segment grâce à Economie du bien commun du prix Nobel 2014 Jean Tirole, somme de 500 pages à vocation grand public qui a séduit 75 000 lecteurs selon l’éditeur. De la même façon, Le capital au XXIesiècle de Thomas Piketty (Seuil) continue de tenir le haut du pavé depuis sa parution en 2013. Derrière, cela devient vite compliqué même si Joseph Stiglitz, Jeremy Rifkin, Jacques Généreux ou Naomi Klein conservent leur place dans les meilleures ventes annuelles, certes un cran en dessous en comparaison d’autres secteurs des sciences humaines.

"Nous préférons nous rediriger vers la philosophie politique, la sociologie et l’histoire car les étudiants en économie lisent de plus en plus d’articles et de moins en moins de livres."Hugues Jallon, La Découverte- Photo OLIVIER DION

A défaut de générer des volumes de ventes énormes, l’essai d’économie alimente le débat. Le polémique Négationnisme économique (Flammarion), paru début septembre, se positionne déjà comme l’un des livres événements de la rentrée avec 1 000 volumes écoulés les trois premiers jours selon Sophie Berlin, directrice du département savoir de Flammarion. Pierre Cahuc et André Zylberberg y défendent une méthode expérimentale reposant sur le big data, non sans s’attirer les foudres des économistes hétérodoxes, qu’ils attaquent d’ailleurs franchement. Aux Liens qui libèrent (LLL), le cofondateur Henri Trubert signale que l’essai d’Eloi Laurent Nos mythologies économiques, paru en février dernier et vendu à 19 000 exemplaires, "était une réponse par anticipation à la thèse défendue par Le négationnisme économique". Forts de leur succès initial, LLL et Eloi Laurent prévoient une nouvelle collaboration avec Nouvelles mythologies économiques, annoncé pour début novembre.

"Nous avons créé trois sous-séries "Développement personnel", "Compétence transversale" et "Métier" qui sont matérialisées par des couleurs de bandeau différentes."Odile Marion, Dunod- Photo OLIVIER DION

Marché compliqué

Hormis ces quelques locomotives, le marché reste donc compliqué pour les éditeurs et cela ne les incite pas à développer leur production, en particulier quand ils s’adressent à un public étudiant. C’est le cas de La Découverte, dont le P-DG Hugues Jallon reconnaît qu’il est difficile de "maintenir des livres d’économie critique". "Nous entretenons notre réputation en publiant quelques livres de synthèse, mais beaucoup moins qu’à une époque, détaille-t-il. Nous préférons nous rediriger vers la philosophie politique, la sociologie et l’histoire car les étudiants en économie lisent de plus en plus d’articles et de moins en moins de livres." Un constat partagé par Jean Pavlevski, fondateur d’Economica, qui déplore surtout "le manque d’auteurs pour les étudiants de premier cycle". "En revanche, les livres de 2e ou de 3e cycle, déjà très solides sur le plan scientifique, recommencent à être bien vus, ajoute-t-il. L’exemple type chez nous est le dernier livre d’Edouard Challe, Fluctuations et politiques macroéconomiques." Economica publie également cet automne Quand les crises reviennent. De son côté, Vuibert s’appuie sur sa collection de référence "Vuibert gestion" qui "comprend peu de titres, mais ceux-ci se vendent tous très bien, à commencer par le Peretti", explique François Cohen, directeur de Vuibert.

De Boeck table essentiellement sur les grandes traductions pour séduire une assez large audience. Faut-il avoir peur des bulles financières ? du prix Nobel d’économie Robert Shiller ou Osez sortir du rang ! Comment les esprits originaux changent le monde d’Adam Grant sont deux de ses nouveautés saillantes de l’automne en hors collection. Dans le même temps, l’éditeur poursuit le développement de sa collection d’essais grand public "Pop economics" lancée début 2016 et qui a connu "un bon démarrage", selon Dominique De Raedt, responsable éditoriale en économie-gestion. Pour cette rentrée, De Boeck l’enrichit de cinq nouveautés parmi lesquelles Pensez comme un freak ! ou L’économie toute nue. "Ces ouvrages ne se limitent pas au public intéressé par l’économie au quotidien, précise Dominique De Raedt. Ils peuvent sans conteste rejoindre nos manuels en économie en visant à rendre l’économie accessible, compréhensible et attrayante." Quatre titres sont d’ores et déjà annoncés pour 2017.

Egalement dans une logique plus grand public, Dunod ouvre le débat avec Ubérisation, un ennemi qui vous veut du bien ? L’éditeur confirme ainsi son ambition de s’installer sur le segment des essais, y compris avec la marque Armand Colin qui a inauguré en septembre avec deux premiers titres une collection de semi-poches intitulée "Idées claires". Les ouvrages parus sont Faut-il avoir peur du numérique ? et Migrants, migrations : 50 questions pour vous faire votre opinion. "Cette collection traitera toujours de sujets d’actualité sous forme de questions-réponses pour aider les lecteurs à se faire leur propre opinion, détaille Odile Marion, directrice éditoriale entreprise, gestion et management. Nous prévoyons entre 4 et 6 nouveautés chaque année." Sur la thématique du digital, Economica a publié en début d’année le remarqué Homo numericus au travail, recueil de témoignages d’une trentaine de chefs d’entreprise, universitaires et DRH. De son côté, Alisio, la marque business de Leduc.s, millésime désormais son Disruption digitale. "Le livre recense les 10 innovations digitales de l’année, il a pour but d’inciter les chefs d’entreprise à visiter les sociétés les plus inventives en la matière", explique Karine Bailly de Robien, directrice éditoriale de Leduc.s. Les nouvelles technologies sont aussi au cœur de la 7e édition du Strategor (Dunod) dont la principale nouveauté est qu’il propose un accès gratuit à l’analyse détaillée des 72 cas d’entreprise abordés dans l’ouvrage.

Passerelles

Ce type de titres appartient plus au segment des livres d’entreprise, qui se porte mieux que le reste de la production d’ouvrages économiques. "C’est l’un des secteurs où le fonds tourne le mieux, même si les linéaires ont tendance à diminuer", constate Claudine Dartyge, directrice éditoriale chez Eyrolles. Depuis le début de l’année, Eyrolles a encore écoulé 2 500 exemplaires du Nouveau manager minute, dont la première édition remonte à… 1987. Eyrolles dispose dans ce domaine de quelques long-sellers mais parie aussi sur les nouvelles tendances, à commencer par les "passerelles de plus en plus nettes qui se créent entre l’efficacité professionnelle et le développement personnel".

Chez Dunod, 2016 a été une "grande année de redéploiement", selon Odile Marion. L’éditeur a inauguré trois nouvelles collections en avril ("Marketing/communication", "Stratégie de l’entreprise", "Management/leadership") et en lance encore deux cet automne ("Ressources humaines" et "Commercial/relation client"). A chaque fois, l’accent a été mis sur l’aspect visuel des ouvrages, spécialement les couvertures auxquelles un soin particulier a été apporté. Parallèlement, les collections historiques "Fonctions de l’entreprise" et "Stratégies et management" continuent d’être alimentées par quelques nouveautés.

First s’est aussi montré actif sur le marché. Déjà présent avec la collection "Pour les nuls", l’éditeur s’appuie depuis début 2015 sur la sous-série "Pour les nuls : business" destinée à un public plus professionnel à travers des problématiques en ressources humaines et vie en entreprise. L’un des premiers titres, L’auto-entrepreneur pour les nuls : business, a été annualisé. D’autres nouveautés dédiées au free-lance ou à la comptabilité analytique sont annoncées pour les prochains mois.

Au sein de la collection "La boîte à outils", Dunod a fait évoluer les couvertures. "C’est plus léger, moins strict, nous avons aussi créé trois sous-séries "Développement personnel", "Compétence transversale" et "Métier" qui sont matérialisées par des couleurs de bandeau différentes", détaille Odile Marion. Dunod systématise le recours aux compléments vidéo et audio sur les nouveautés de la collection. En octobre, l’éditeur publie aussi La méga boîte à outils du manager leader. "Le livre reprend les outils incontournables déjà publiés dans divers ouvrages, précise Odile Marion. C’est une sorte de best of de "La boîte à outils". Il bénéficie d’un lancement important."

 

Management

"Gérald Karsenti comme Yves Le Bihan sont des auteurs très présents sur les réseaux sociaux et qui fédèrent une importante communauté"Claudine Dartyge, Eyrolles- Photo OLIVIER DION

Si l’entreprise libérée a le vent en poupe, les éditeurs ne négligent pas pour autant les questions de management de sociétés. Une notion largement revisitée dans les publications de la rentrée : chez Pearson, Simon Sinek explique ainsi Pourquoi les vrais leaders se servent en dernier tandis que le patron de HP Gérald Karsenti défend la conception de dirigeants "davantage tournés vers les autres et porteurs de projets collectifs" dans son dernier livre Leaders du troisième type (Eyrolles). Quant à Yves Le Bihan, également chez Eyrolles, il s’appuie sur les dernières avancées en psychologie positive et en neurosciences pour proposer un modèle de Leader positif. "Gérald Karsenti comme Yves Le Bihan sont des auteurs très présents sur les réseaux sociaux et qui fédèrent une importante communauté, souligne Claudine Dartyge. C’est un vrai plus pour les livres au moment de la parution."

Les profils d’auteurs aussi bien à l’aise à l’écrit que sur l’estrade d’une salle de séminaire et, cerise sur le gâteau, capables de fédérer une base étendue de "fans", sont particulièrement appréciés des éditeurs. Chez Alisio, le très connecté Olivier Roland appartient à cette catégorie idéale. Blogueur et youtubeur "suivi par 300 000 personnes", selon son éditrice Karine Bailly de Robien, il a publié fin septembre Tout le monde n’a pas eu la chance de rater ses études. Déjà, en août, Alisio a fait paraître le nouveau Brian Tracy, gourou de l’efficacité en entreprise qui a derrière lui "une communauté de 5 millions de personnes".

Le dynamisme des livres d’entreprise donne des idées aux éditeurs d’essais. Chez Flammarion, la grande collection de poche "Champs" accueille depuis février 2016 la sous-collection "Clés des champs". ""Champs" est connue pour son excellence académique, décrypte Sophie Berlin. Avec cette sous-série, nous sommes dans un segment clairement moins intellectuel et plus pratique qui couvre les questions d’économie rapportées aux pratiques, à la psychologie économique, la prise de décision, la motivation professionnelle ou à l’évolution des modes de management." Le succès a été au rendez-vous, en particulier avec Liberté & Cie (lire encadré p. 59).

Dans la veine plus grand public, les livres qui expliquent comment gagner beaucoup d’argent sans effort ou qui racontent l’expérience de personnalités ou d’anonymes ayant fait fortune restent des valeurs sûres. La palme revient à La semaine de 4 heures, paru chez Pearson en 2010, et qui s’est encore vendu à "plus de 10 000 exemplaires depuis janvier de cette année", selon Julie Berquez, éditrice senior business et management. En la matière, First attend également beaucoup de la nouvelle édition du best-seller international de Stephen Covey, Les 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu’ils entreprennent. Chez Maxima, Comment je suis devenue rentière en 4 ans est devenu un classique du catalogue avec plus de 50 000 exemplaires écoulés depuis sa parution. Après avoir publié en avril Les conseils d’un top host AirBnB, l’éditeur continue de développer les livres d’inspiration, avec Portraits de startupers et Buffett, Soros, Trump, Lynch : leçons de stratégie des meilleurs investisseurs boursiers. Parallèlement, Maxima a toiletté cette année sa collection "Master class". "Ce sont des petits livres de 150 pages, explique Laurent du Mesnil, conseiller éditorial. La collection proposera d’autres nouveautés, mais pas dans l’immédiat car elle a besoin de gens dont la notoriété est réelle. Il nous faut de vrais maîtres." Chez Pearson, Julie Berquez mise sur The good job, ouvrage sur la construction de carrière qui explique comment ne pas se tromper dans ses choix professionnels et propose en complément un test à réaliser en ligne. Enfin, à la frontière entre grand public et monde professionnel, Vuibert a publié cette année la 3e édition de Comprendre toute la finance. "C’est de la vulgarisation de très bonne facture, il sort très bien", se félicite François Cohen.

L’économie et la gestion en chiffres

Meilleures ventes : nouvelles idoles

Elon Musk a supplanté Steve Jobs, du moins en librairie. Le serial entrepreneur (PayPal, SpaceX, Tesla…) offre à Eyrolles la 6e place dans notre palmarès des meilleures ventes d’économie-gestion avec la traduction de la biographie best-seller Elon Musk : l’entrepreneur qui va changer le monde d’Ashlee Vance. L’enfant terrible de la nouvelle économie est suivi de près par Peter Thiel, un autre des cofondateurs de PayPal, qui explique "comment construire le futur" dans De zéro à un (Lattès, 16e). Mais le défunt fondateur d’Apple n’a pas dit son dernier mot : la biographie consacrée à Steve Jobs par Walter Isaacson, pourtant parue en 2012 au Livre de poche, se maintient à la 18e place. C’est trois de mieux que l’an dernier ! A noter que Becoming Steve Jobs (Marabout, 41e) offre à l’inventeur du Mac une deuxième occurrence dans le classement. Bien placé dans le peloton de tête avec On m’avait dit que c’était impossible (Stock, 13e), Jean-Baptiste Rudelle raconte pour sa part comment il est parvenu à faire de Criteo un géant des nouvelles technologies, démontrant s’il était besoin que les Français ne sont pas les derniers à avoir le sens des affaires.

Admiratifs de ces success stories, les lecteurs cherchent aussi des conseils pour monter leur entreprise et s’inspirer des nouveaux modes de management. Le long-seller Business model, nouvelle génération (Pearson, 35e) poursuit ainsi sa belle carrière tandis que Liberté & Cie ("Champs" Flammarion, 12e) et Reinventing organizations (Diateino, 23e) s’imposent comme les nouveaux porte-étendards du management libéré des modèles d’organisation traditionnels.

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