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Dossier Rentrée de l'hiver : un grand souffle de fiction

OLIVIER DION

Dossier Rentrée de l'hiver : un grand souffle de fiction

Après une année sous pression du fait des élections, les éditeurs reprennent leur souffle en 2013. La production des romans de l'hiver décolle avec 520 nouveautés (+ 9 %), mais avec une prise de risques maîtrisée, plus de traductions, de biographies romancées et d'auteurs confirmés, dont dix incontournables.

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Par Catherine Andreucci, Anne-Laure Walter, Mylène Moulin, Manon Quinti
Créé le 03.11.2014 à 18h37 ,
Mis à jour le 26.01.2015 à 15h40

La rengaine devient lancinante. Pour la troisième année consécutive, la rentrée de l'hiver se fait sur fond de malaise en librairie. Cependant, l'horizon 2013 est plus dégagé que celui de 2012 - une année électorale avec son traditionnel gel des ventes. Les éditeurs reprennent donc la main et décident de redonner un peu d'oxygène à la fiction avec une hausse de plus de 9 % du nombre de nouveaux romans programmés entre le 1er janvier et le 28 février 2013, soit 525 titres. C'est la rentrée étrangère qui se trouve la plus musclée avec une augmentation de 19 % par rapport à l'an passé, 201 traductions contre 169. La production de romans français augmente aussi de 4 % avec 324 nouveautés contre 311 l'année dernière. Mais compte tenu du contexte économique tendu, la programmation, si elle est dynamique, reste prudente. En témoigne la forte chute du nombre de premiers romans qui ne sont plus que 45, son niveau le plus bas depuis 2002 contre 55 l'année dernière à la même période.

CONFIRMATIONS

Reprenant les recettes en temps de crise, la très cadrée production favorise les plumes confirmées, comme à l'hiver 2011 où le contexte économique était assez proche. Outre les auteurs incontournables de ce début d'année (voir encadré), les éditeurs programment donc plusieurs romanciers reconnus et attendus par leurs lecteurs : Blandine Le Callet chez Stock avec des nouvelles (Dix rêves de pierre), Henry Bauchau chez Actes Sud avec L'enfant rieur II, le livre qu'il venait d'achever lorsqu'il est mort en septembre dernier, Christian Oster à L'Olivier (En ville), Jacques Jouet chez P.O.L (Un dernier mensonge), Andreï Makine au Seuil (Une femme aimée), François Bégaudeau chez Verticale (Deux singes ou Ma vie politique), Philippe Besson chez Julliard (De là, on voit la mer), Yann Queffélec à L'Archipel (L'ennemie dans la peau), Michel Quint chez Héloïse d'Ormesson (En dépit des étoiles). Gallimard programme Catherine Cusset(Indigo), Philippe Forest (Le chat de Schrödinger), Paule Constant (C'est fort la France !) ou Marie Nimier(Je suis un homme), >tandis que Grasset prévoit le dernier volume de la Chronique du règne de Nicolas Ier de Patrick Rambaud (Tombeau de Nicolas Ier et avènement de François IV), ou Philippe Vilain(La femme infidèle).

DU TEMPS POUR LES AUTEURS

Une des leçons de la rentrée de septembre et des prix de l'automne, que ce soit le Goncourt à Jérôme Ferrari ou le Femina à Patrick Deville, est que la politique d'auteurs se révèle payante et qu'il faut laisser le temps au romancier d'éclore et à une oeuvre de se construire. Un parti pris que suit Actes Sud depuis longtemps. La maison publiera encore cette rentrée Anne-Marie Garat(Programme sensible), Pia Petersen (Un écrivain, un vrai), Laurent Sagalovitsch(Un juif en cavale) ou Jeanne Benameur(Profanes) qui a rejoint la maison en 2008 et dont la notoriété grandit de livre en livre. Finitude propose Demain Berlin, le deuxième texte d'Oscar Coop-Phane, le lauréat 2012 du prix de Flore. Frédéric Ciriez revient avec Mélo (Verticales), quatre ans et demi après son surprenant premier roman, Des néons sous la mer. Minuit programme Hélène Lenoir(La crue de l'hiver), Zulma Hubbert Haddad (Le peintre d'éventail), Flammarion Pierre Stasse (La nuit pacifique) et Alexandre Lacroix(Voyage au centre de Paris),Buchet-Chastel Jean-Philippe Blondel (06h41), Phébus Daniel Arsand(Que Tal), et Sabine Wespieser le douzième roman de Michèle Lesbre (Ecoute la pluie). Cécile Wajsbrot termine sa trilogie Haute mer, consacrée à l'art et à sa réception, avec Sentinelles chez Bourgois. Balland suit le travail de la jeune Julia Malye avec un deuxième roman (Thémoé),tout comme Kero qui édite L'étoile et la vieille de Michel Rostain,Goncourt du Premier roman 2011 >pour Le fils. Phébus accompagne l'oeuvre de son responsable du domaine étarnger, Daniel Arsand (Que tal). Autre éditrice a se faire romancière, Hélène Amalric (ancienne du Masque et de Phébus) publie Les ombres de la famille chez Marabout.

TRANSFERTS D'HIVER

Cependant, il arrive aux auteurs de commettre quelques infidélités à leurs éditeurs principaux, testant avec un texte ou plusieurs un autre regard et une autre maison. La rentrée de l'hiver est généralement peu propice aux transferts, mais le millésime 2013 est particulièrement marqué par les mouvements, un signe de la fragilité et de l'inquiétude du secteur. Pascale Kramer, jusqu'alors éditée par Gallimard et Mercure de France, reste dans le nouveau groupe mais publie Gloria chez Flammarion. Toujours dans le même ensemble, Alice Massat présente Les quatre éborgnés sous la bannière Joëlle Losfeld après quatre romans chez Denoël. Philippe Sollers, pilier de Gallimard, ne quitte pas son éditeur mais confie un texte, prévu de longue date, à Flammarion (Portraits de femmes). Par ailleurs, Géraldine Maillet, après plusieurs romans chez Flammarion, a publié un volume dans la collection "Ceci n'est pas un fait divers" et propose un deuxième texte à Grasset, J'ai vécu de vous attendre. Christophe Tison,auteur Grasset, publie Te rendre heureuse pour la marque L'Arpenteur (Gallimard). Nicolas Couchepin, après trois romans chez Zoé, passe au Seuil (Les Mensch). Alma Brami, auteure Mercure de France, propose exceptionnellement Lolo chez Plon. Bertrand Leclair, que l'on trouvait jusqu'alors dans les catalogues de Maren Sell ou de Flammarion, arrive chez Actes Sud avec Malentendus. Erwan Larher, après deux romans chez Michalon, rejoint Plon avec L'abandon du mâle en milieu hostile, apporté par son nouveau conseiller littéraire François Taillandier. Valérie Tong Cuong arrive chez Lattès (L'atelier des miracles) après plusieurs textes chez Stock. Après un récit au Diable vauvert, Tristane Banon, qui avait accusé Dominique Strauss-Kahn en 2007 de violences sexuelles, présente Le début de la tyrannie chez Julliard, tandis qu'Alain Mabanckou (Les lumières de Pointe-Noire) après un détour par chez Gallimard revient au Seuil, son éditeur.

LA VIE DES AUTRES

Forme qui séduit souvent le public, la biographie romancée, rassurante pour le lecteur qui va retrouver une figure familière, sera particulièrement représentée cet hiver. Ainsi, plusieurs artistes, musiciens, peintres ou écrivains font l'objet d'une fiction : Vincent Borel raconte Richard Wagner (Richard W., Sabine Wespieser), Dominique Pagnier les derniers jours de Joseph Haydn (La montre de l'amiral, Alma éditeur, dans la collection "Pabloïd"), Michelle Tourneur s'attaque à la vie d'Eugène Delacroix (La beauté m'assassine, Fayard), Brigitte Kernel à celle d'Andy Warhol (Andy, Plon), le journaliste sportif Eugène Saccomano à Céline (Céline coupé en deux, >Castor astral), Alix de Saint-André à Françoise Giroud (Garde tes larmes pour plus tard, Gallimard), tandis que Claude Pujade-Renaud aborde saint Augustin par l'intime avec l'histoire de sa concubine (Dans l'ombre de la lumière, Actes Sud). Frédéric Roux revient sur le destin de Muhammad Ali (Alias Ali, Fayard), et Olivier Weber sur celui du commandant Massoud (La confession de Massoud, Flammarion). Françoise Houdart redonne vie au peintre et graveur Victor Regnart (Les profonds chemins, Luce Wilquin), et Michel Jullien au copiste de Charles V, Raoulet d'Orléans (Esquisse d'un pendu, Verdier). Enfin, Michèle Audin, fille de Maurice Audin, mulitant de l'indépendance algérienne assassiné par l'armée française, reconstitue la vie de son père (Une vie brève, L'Arbalète/Gallimard).

UN PEU D'HUMOUR

Enfin, dans ce monde crispé, plusieurs romans proposent une bouffée de légèreté en choisissant l'humour parfois un peu teinté de noir et d'ironie. Martin Page dans L'apiculture selon Samuel Beckett (L'Olivier) montre le prix Nobel de littérature, loin de sa réputation d'écrivain austère et taciturne, en bon vivant sympathique. Jean-Paul Carminati questionne avec humour le mécanisme des liens familiaux (Le petit dernier, >Lattès). Emmanuelle Urien prend la rupture sur un ton décalé dans L'art difficile de rester assise sur une balançoire chez Denoël. Pascal Morin, pour les quinze ans de la collection "La brune" au Rouergue, ose la légèreté avec Comment trouver l'amour à cinquante ans quand on est parisienne et autres questions capitales. Ironie et second degré sont les ingrédients qui pimentent Amazones de Raphaëlle Riol (Rouergue). >Deux recueils de récits particulièrement spirituels sont annoncés : L'alpiniste de Bernard Amy (Attila), sur le monde de la montagne, et Autorisation de pratiquer la course a pied et autres échappées de Franck Courtès (Lattès), dix-sept nouvelles sur la comédie des apparences. Bernard Ollivier livre un roman original et gouailleur sur l'amour et la virilité (Histoire de Rosa qui tint le monde dans sa main, >Phébus) et Henri Cueco joue avec le lecteur dans Passage des astragales, >dans la nouvelle collection Bayard-JBZ. De quoi ne pas se laisser abattre.

LES 10 AUTEURS INCONTOURNABLES DE LA RENTRÉE D'HIVER


DAVID FOENKINOS

Plein le dos- Photo OLIVIER DION


Depuis La délicatesse, David Foenkinos est au sommet des ventes. Je vais mieux (Gallimard) raconte comment un mal de dos inexpliqué provoque le délitement de la vie professionnelle, familiale et amoureuse du narrateur. Jusqu'à ce qu'un jour les choses se dénouent. Le tout sous le regard acéré que porte David Foenkinos sur la société contemporaine, la famille, le couple...

MARIE NDIAYE

Femme puissante- Photo OLIVIER DION

C'est le grand retour de Marie NDiaye après son prix Goncourt 2009 pour Trois femmes puissantes (Gallimard). Dans Ladivine, il est de nouveau question de femmes et d'histoires familiales complexes et enfouies. Les errances de Ladivine dans une ville, probablement en Afrique, font remonter des pans d'une enfance troublée dans une atmosphère de plus en plus oppressante.

JEFFREY EUGENIDES

Auteur rare, Jeffrey Eugenides revient, dix ans après Middlesex (L'Olivier) et dix-huit ans après Virgin suicides (Plon). L'Olivier publie son 3e livre, Le roman du mariage. L'écrivain américain revisite le classique trio amoureux autour d'étudiants en littérature qui découvrent Roland Barthes et la déconstruction...

JEAN-BAPTISTE HARANG

Fait divers- Photo BERTINI


C'est au tour de Jean-Baptiste Harang de se lancer dans la collection "Ceci n'est pas un fait divers". L'auteur de La chambre de la Stella (prix du Livre Inter 2006) revient, par la littérature, sur un crime raciste dont il avait couvert le procès pour Libération en 1986 : celui de trois jeunes hommes, en route pour s'engager dans la Légion étrangère, qui avaient tabassé et défenestré un jeune Algérien dans le train Bordeaux-Vintimille (Grasset).

YASMINA REZA 

Chorale- Photo PASCAL VICTOR - ARTCOMART


Des histoires apparemment distinctes et des personnages qui se croisent parfois et forment, au final, un ensemble : telle est la construction adoptée par Yasmina Reza pour Heureux les heureux. La romancière et dramaturge signe là son troisième livre chez Flammarion, après L'aube le soir ou la nuit (2007) et une pièce de théâtre, Comment vous racontez la partie (2011).

ALAIN MABANCKOU

Double retour- Photo HERMANCE TRIAY


Retour au Seuil pour Alain Mabanckou après un passage chez Gallimard. Dans Lumières de Pointe-Noire, l'écrivain, prix Renaudot 2006, relate son retour au Congo, vingt-trois ans après son départ pour étudier en France. Souvenir de sa mère disparue, distance entre le pays qu'il a connu et le présent qu'il redécouvre... Toujours drôle et incisif, Alain Mabanckou prend parfois un ton grave dans ce livre intime.

YVES RAVEY 

Peu ordinaire- Photo H. BAMBERGER


Une femme qui fait des ménages, un cousin qui sort de prison, une jeune fille qui prépare un examen, un notaire de province... Les personnages du nouveau roman d'Yves Ravey évoluent dans une atmosphère très tendue. On retrouve, dans Un notaire peu ordinaire, la tonalité polar qu'affectionne l'auteur d'Enlèvement avec rançon ou de Pris au piège (Minuit).

JOAN DIDION

A perte de vue- Photo ARISTIDE ECONOMOPOULOS-STAR LEDGER-CORBIS


Dix-huit mois après la mort de son mari, Joan Didion a dû affronter celle de sa fille adoptive, Quintana. Du premier deuil, l'écrivaine américaine avait tiré L'année de la pensée magique, prix Médicis essai 2007. Consacré à sa fille, Le bleu de la nuit n'en est pas la suite mais constitue une nouvelle variation sur la perte et le souvenir (Grasset).

DON DELILLO

Malaise contemporain- Photo RENAUD MONFOURNY


Très en vue ces derniers temps avec l'adaptation au cinéma de Cosmopolis par David Cronenberg, Don DeLillo revient avec un recueil de nouvelles. Un genre majeur aux Etats-Unis, où les écrivains y excellent. L'ange Esmeralda est traversé par l'obsession de Don DeLillo pour le malaise des êtres humains dans le monde contemporain (Actes Sud).

HARUKI MURAKAMI

Après la déferlante 1Q84, l'auteur japonais préféré des lecteurs revient avec Underground (Belfond). Dans ce livre qui n'est pas un roman, Haruki Murakami tente de comprendre l'attentat au gaz sarin perpétré dans le métro de Tokyo en 1995 par des disciples de la secte Aum. Il a mené des entretiens avec des rescapés, puis avec des adeptes de la secte.

Attentat dans le métro- Photo CEDRIC MARTIGNY

TROIS ROMANCIERS EN ANALYSTES

Qu'est-ce qu'un chef-d'oeuvre ? Charles Dantzig s'attaque à cette question et en examine tous les aspects au fil des 266 pages joyeuses et capricieuses de son nouvel essai, A propos des chefs-d'oeuvre (Grasset). Evidents, méconnus, relatifs, discutés... Les chefs-d'oeuvre passent au tamis du jugement de l'auteur de l'Encyclopédie capricieuse du tout et du rien et du Dictionnaire égoïste de la littérature française. Au passage, il déclasse Ulysse de Joyce pour cause de "longueurs intolérables", et définit enfin le chef-d'oeuvre littéraire comme "un livre exceptionnel qui crée son propre critère et que l'on ne peut estimer que selon lui". D'autres écrivains profitent de la rentrée d'hiver pour s'adonner à l'essai littéraire. Simon Liberati offre une galerie de portraits érudite et personnelle avec 113 études de la littérature romantique (Flammarion). Et Camille Laurens explore les actes de répétition dans la création et l'existence humaines (Encore et jamais, Gallimard).

La décrue des premiers romans

 

Le plus réduit depuis onze ans, le cru 2013 est dominé par des thèmes graves : solitude, abandon, pauvreté, folie. Les guerres et les grands personnages de l'histoire inspirent aussi les primo-romanciers de tous âges.

 

Cet hiver, les éditeurs sont moins enclins à faire le premier pas que l'année précédente : 45 premiers romans français sont attendus, contre 55 en janvier et février 2012. La plupart des éditeurs publient un seul premier roman. Seuls quatre en programment deux (Mercure de France, Musardine, Denoël et Robert Laffont). Gallimard conserve son statut de meneur en annonçant, comme en 2012, trois premiers romans.

Photo OLIVIER DION

Cet hiver, la parité n'est toujours pas atteinte : on compte 19 romancières pour 26 auteurs masculins. Elles étaient 22 en 2012 pour 33 hommes. Grasset publie un ouvrage sous pseudonyme, intitulé Dolfi et Marilyn. Le doyen Michel Sogny a 65 ans, et la benjamine, Sophie Koltcha, 25 ans. Les journalistes sont toujours nombreux à se lancer dans la fiction : Oriane Jeancourt Galignani (Transfuge, "La matinale" sur Canal +), Erwan Desplanques (Télérama), France Cavalié (Télé 7 jours), Claire Gallen (AFP), Hubert Lauth (producteur et auteur de programmes de télévision), Côme Martin-Karl (Têtu), Pierre Schmidt (L'Indépendant de l'Yonne) et Fanny Taillandier, enseignante et journaliste notamment à Livres Hebdo. Parmi les parcours inattendus, on trouve un ancien braqueur, le comédien et rappeur Jean Gab'1, et un médecin urgentiste, Bénédicte Dehurtevent.

PORTRAITS DE FEMMES

Le thème de la famille et notamment de la maternité marque la production. Les traversées de Solange Delhomme évoque l'histoire de trois générations de femmes, à travers la découverte de secrets de famille (Denoël). Dans La balançoire (Elan sud), Laurence Creton dessine le portrait de deux demi-soeurs et pose la question des origines. Ce que je peux te dire d'elles (Robert Laffont) d'Anne Icart montre la violence des sentiments sous l'apparente douceur du cocon familial, avec la mise en scène d'une mère qui apprend que sa fille était enceinte et qu'elle vient d'accoucher. Une jeune femme observe son amie d'enfance au caractère opposé au sien dans La fille de l'air (Mercure de France) de Sophie Koltcha. Le narrateur de Rideau ! (Phébus) de Ludovic Zékian raconte l'histoire de la librairie familiale et la fin du rêve, en dressant le portrait de sa mère. Et le héros de 39, rue de Berne (Zoé) de Max Lobe, découvre à 16 ans l'univers féminin des prostituées.

QUÊTE INITIATIQUE

Le voyage est l'occasion, pour les personnages, d'une introspection. Un vieil homme et une petite fille entreprennent ensemble un périple vers une rivière dans Liberté dans la montagne (Corti) de Marc Graciano. Dans Le temps d'arriver (Gallimard) d'Aurélien Manya, un homme parcourt à pied la distance qui le sépare de celle qu'il aime. Khmers boléro (Riveneuve) de Dô Khiem met en scène deux anciens amants qui entreprennent un road-trip à travers le Cambodge. Dans Deuxième femme de Caroline Pochon, une femme quitte tout pour aller en Afrique et va être confrontée à la polygamie (Buchet-Chastel). Le héros de Si j'y suis (L'Olivier) d'Erwan Desplanques part à l'autre bout du monde lorsque sa mère tombe dans le coma. Et dans La silencieuse d'Ariane Schréder, une trentenaire quittée par son compagnon décide de se réfugier dans un petit village isolé (Philippe Rey).

L'HISTOIRE

Les nouveaux romanciers puisent aussi leur inspiration dans les événements historiques. Dans Les confessions du monstre (Flammarion), Fanny Taillandier, fille de l'écrivain François Taillandier, évoque la Première Guerre mondiale pour expliquer la barbarie d'un jeune homme ayant massacré sa famille. Au-delà de l'amoralité de la civilisation occidentale, ce sont ses mirages qui sont au coeur de La main d'Iman (Liana Levi) de Ryad Assani-Razaki, avec l'histoire de deux enfants africains, dont l'un veut à tout prix quitter le continent. Vie et mort de Paul Geny (Seuil) de l'historien Philippe Artières est une plongée dans l'Italie fasciste des années 1920-1930. Les héros de L'ombre douce (Viviane Hamy) de Hoai Huong Nguyen vivent une histoire d'amour pendant la guerre d'Indochine. Bérénice 34-44 (Serge Safran) d'Isabelle Stibbe raconte le destin brisé d'une actrice juive lors de la Seconde Guerre mondiale. Dans un registre plus léger, Hubert Lauth provoque des rencontres inattendues entre une automobile et Guillaume le Conquérant, le général de Gaulle ou encore Jean Jaurès dans Kilomètres conteurs (Robert Laffont).

Histoires latines

 

Avec 201 romans étrangers, la rentrée 2013 s'annonce sous le signe de l'ailleurs. Avec un intérêt marqué pour les littératures hispanophones et italiennes.

 

Avec 201 romans étrangers annoncés en janvier et février, contre 169 l'an dernier pour la même période, la production de traductions s'emballe (+ 19 %). Merci la crise ? Face à la difficulté d'asseoir des auteurs français, les éditeurs se tournent vers des titres qui ont déjà fait leurs preuves à l'étranger. De grandes plumes sont attendues dont l'Américain Don DeLillo qui signe L'ange Esmeralda, un recueil de nouvelles sur l'homme contemporain (Actes Sud), et l'Italien Claudio Magris (La Baconnière) qui livre Entre le Danube et la mer, un ouvrage hybride mêlant autoanalyse littéraire et conte. On retrouvera Kenneth White avec La route bleue, un roman initiatique au Canada (Le Mot et le reste). Le prix Nobel de littérature Doris Lessing revient nous conter L'histoire du général Dann chez Flammarion. Dans Entre amis (Gallimard), Amos Oz met en scène ses personnages dans une communauté en Israël. De son côté, Mercure de France publie le nouveau Julian Barnes qui a obtenu le prestigieux Man Booker Prize en 2011, et L'Olivier édite le nouvel opus de Jeffrey Eugenides, l'auteur de Virgin suicides. Parmi les autres ouvrages très attendus, le nouveau Neil Jordan (réalisateur d'Entretien avec un vampire et de la série Borgias) chez Joëlle Losfeld, ainsi que les volumes 2 et 3 de la trilogie Cinquante nuances de Grey de E. L. James (Lattès), déjà annoncés comme des succès commerciaux. Et bien sûr, Anne B. Ragde (Balland), Monica Ali (Belfond), Shalom Auslander (Belfond), Lars S. Christensen (Lattès), Nora Ephron (Baker Street) ou encore, chez Métailié, Rosa Montero et Leonardo Padura, lauréat du prix Initiales en 2011. Plus déjantés ou branchés, quelques romans sont aussi scrutés avec impatience comme Basses besognes de Mark Safranko (13e Note), Criminels ordinaires de Larry Fondation (Fayard), Mon amie Rosy (Héros-Limite), signé Gerald Durrell, frère de Lawrence Durrell, ainsi que la fin de la trilogie culinaire fantastique, Soul kitchen de Poppy Z. Brite au Diable vauvert.

DÉCOUVERTES ET REDÉCOUVERTES

La rentrée étrangère sera aussi un moment propice à la découverte de nouveaux auteurs. Calmann-Lévy parie sur Andrea Molesini avec Tous les salauds ne sont pas de Vienne, prix Campiello 2011, et Stock sur Kevin Powers, dont le roman sur l'Irak, Yellow birds, est un best-seller aux Etats-Unis. Actes Sud remue la bienséance en misant sur la punkette suédoise Sara Lövestam dont le roman Différente raconte la quête d'un homme attiré par les femmes aux membres amputés, tandis que Flammarion laisse Daniela Krien nous narrer l'histoire d'amour entre une adolescente et un homme mûr en RDA dans Un jour, nous nous raconterons tout. Albin Michel donne la parole à Cristina Alger et ses spéculations financières, tandis que chez Nil, Robert Williams fait le récit d'une amitié entre deux adolescents touchés par le deuil. Et pour ceux qui voudraient lire et relire les classiques oubliés, plusieurs rééditions sont prévues. Attila réédite Les cobayes du Tchèque Ludvik Vaculik, publié dans les années 1970 par Gallimard, et Tristram propose Vermilion sands du Britannique James Graham Ballard. Mais les trois plus attendus sont sans doute Madame Solario, un roman mythique anonyme dont on connaît maintenant l'auteur, Gladys Huntington (Les Belles Lettres), les récits de Stephan Zweig réédités en "Bouquins" chez Robert Laffont et le troisième et dernier volume de L'archipel du goulag d'Alexandre Soljenitsyne chez Fayard.

LATINOS

Si, comme de coutume, les Anglo-Saxons occupent une place de choix dans la production étrangère de la rentrée, les éditeurs offrent cette année un bel espace aux langues latines avec une quarantaine de traductions. Du côté de la littérature transalpine, on retrouvera notamment Alessandro Spina et son Triptyque libyen (L'Age d'homme), Piero Degli Antoni avec un roman sur la Shoah (L'Archipel) et un titre psychédélique de Tommaso Pincio (Asphalte). Dans Sandokan, avec une post-face de Roberto Saviano, Nanni Balestrini (Entremonde) dépeint les liens entre Mafia et politique en Italie. C'est de la réalité que s'inspire aussi N'aie pas peur si je t'enlace de Fulvio Ervas (Liana Levi), qui raconte l'histoire vraie d'un road-trip d'un père et de son fils autiste. Venus de l'autre côté des Pyrénées, Gabi Martinez raconte l'Histoire vraie de l'homme qui cherchait le yéti (Autrement), et José Carlos Llop nous emmène Dans la cité engloutie à la découverte du Palma des 60's (Jacqueline Chambon) ; l'Espagnol Javier Tomeo a quant à lui une double actualité, chez Christian Bourgois et Corti. Largement représentée en ce début d'année, l'Amérique latine nous offre un aperçu de sa diversité contemporaine avec le Péruvien Martin Mucha (Asphalte), le Paraguayen Esteban Bedoya (La Dernière Goutte) et les Mexicains Ana Clavel et Federico Vite. Mais la prédominance de la littérature argentine est flagrante avec six titres traduits : Claudia Piñeiro (Actes Sud) et Pola Oloixarac (Seuil) s'intéressent à la composante sociale et économique du pays, tandis que Gabriel Rolon (Belfond), César Aira (Christian Bourgois) et Pablo Ramos (Métailié) font un portrait au vitriol de la famille argentine

DISCRÉTION ROUMAINE

Avec la Roumanie, c'est une invitée francophile que le prochain Salon du livre de Paris accueillera en mars. Mais malgré des liens linguistiques et culturels forts entre la France et la patrie de Ionesco, les écrivains roumains sont peu représentés sur les tables des librairies françaises et continueront à être peu nombreux début 2013. Peut-être la conséquence des coupes budgétaires dans la Culture annoncées l'été dernier par le gouvernement roumain.

L'Herne profite de cet événement pour publier en février un inédit de l'historien et philosophe Mircea Eliade,Retour du paradis. Gallimard publiera de son côté Situation provisoire, >le troisième roman de Gabriela Adamesteanu. Quatre ans après son premier ouvrage édité en France, on pourra découvrir le nouvel opus d'Eugen Uricaru, La soumission, >chez Noir sur blanc. Cette rentrée sera aussi l'occasion d'écouter de nouvelles voix roumaines, comme celle de Petru Cimpoesu avec Siméon l'ascenseuriste (Ginkgo éditeur), et de découvrir des classiques tels que Ion Creanga (éditions de l'?uvre), un auteur du XIXe siècle qui fut également éditeur et dont les écrits prennent leur source dans le folklore roumain, ou encore Dinu Pillat dont le roman En attendant l'heure d'après a été confisqué par les autorités en 1943 avant d'être enfin autorisé et publié en 2010 (Syrtes).


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