Sur le Kindlestore d'Amazon, soeur Blandine et ses enquêtes policières menées en bord de Saône retrouvent une seconde vie, et caracolent depuis trois mois en tête des meilleures ventes de livres numériques du site. "J'avais récupéré mes droits assez rapidement, après avoir rompu avec Le Masque, éditeur de mes premiers titres avec ce personnage, au début des années 2000. De nombreux lecteurs me redemandaient ces livres, qui n'étaient plus exploités. Amazon m'a contacté, et m'a proposé de les reprendre en version numérique", explique simplement Philippe Bouin, auteur de romans policiers, maintenant publiés à L'Archipel. "Plusieurs autres éditeurs numériques m'ont contacté", assure-t-il. La reprise d'ouvrages épuisés au potentiel oublié est une des facettes de l'édition, mais Amazon dispose d'avantages inconnus à ce jour, en raison de la dimension de sa base clients. "Nous observons les demandes des lecteurs", mentionne le service de presse du site. Englué dans des problèmes d'accès à Internet depuis quelques semaines, Philippe Bouin ne sait pas ce que lui ont rapporté ses trois Blandine numérisés (4,48 euros l'aventure), et s'en préoccupe modérément.
RECETTES ENCORE FAIBLES
Focalisée sur la nouveauté, la littérature de genre (polar, SF, sentimental) entretient peu ses fonds et se prête donc à ces expérimentations qui supposent quelques compétences technologiques. Elles ne rebutent pas Jean-Claude Dunyach, parolier, auteur de nouvelles et de romans de SF (publié à L'Atalante, au Fleuve noir et chez J'ai lu), et également ingénieur chez Airbus. "J'ai récupéré les droits de titres épuisés lorsque le numérique n'existait pas encore. J'aurais peut-être plus de difficultés aujourd'hui." Depuis six mois, il a entrepris leur réédition au format ePub, et non leur autoédition, insiste-t-il, pour se démarquer des auteurs solitaires dont les textes n'ont jamais été validés par un éditeur. L'essentiel des ventes vient d'Amazon, même s'il a aussi déposé ses ePub (de 2,66 à 3,20 euros) sur Lulu.com et l'iBookstore d'Apple. Il reconnaît volontiers que les recettes sont encore faibles. "Avec une demi-douzaine de livres, je réalise environ 150 euros de ventes mensuelles, dont je perçois 70 %."
L'auteur d'Etoiles mortes est apprécié dans le milieu de la SF et du polar, car il partage volontiers son expérience sur des salons du livre ou sur son site Internet. Autre spécialiste connu des technophiles, Thierry Crouzet, auteur récent de J'ai débranché : comment revivre sans Internet après une overdose (Fayard), avait posté l'an dernier sur son blog « >Comment publier sur Apple iBookstore". "L'autopublication demande du temps, c'est la leçon ; soit tu vends beaucoup et tu embauches quelqu'un pour la gestion, soit tu passes par un éditeur... et tu te simplifies la vie", explique aujourd'hui ce militant du projet Indisponibles.fr, qui dit être revenu à l'écriture de livres. François Bon, qui avait aussi commencé par reprendre ses textes, a créé Publie.net, embauché, continué d'écrire et d'être publié.
Mais chez les littéraires, ces expériences technico-éditoriales soulèvent encore peu d'appétence. D'une part, les fonds sont en général mieux suivis, reconnaissent Paul Fournel et Hervé Le Tellier, dont la quasi-totalité de la bibliographie est toujours disponible. "Les auteurs sont très loin de vouloir la mort des éditeurs ; je préfère continuer à travailler avec le mien, au lieu d'essayer de le contourner via Amazon", ajoute Hervé Le Tellier, pourtant cosignataire, dans Le Monde, d'une tribune très irritée contre les "inéquitables droits du livre numérique".