Les échanges furent animés, les 12 et 13 novembre, dans la salle du 10e étage d'un hôtel du quartier du Plateau à Abidjan, en Côte d'Ivoire: une quarantaine de libraires et éditeurs francophones d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale y étaient réunis à l'initiative du Bureau international de l'édition française (Bief), avec le soutien de l'Organisation internationale de la francophonie, pour réfléchir aux manières de renforcer leurs liens.
Structurer la chaîne du livre dans des pays où elle est souvent fragile, voire inexistante, apparaît en effet comme une nécessité pour des professionnels confrontés à des difficultés de distribution, à des taxes de douane, à la concurrence d'acteurs informels et saisonniers notamment au moment de la rentrée scolaire (activité repose essentiellement sur le scolaire), ou encore à la faiblesse du pouvoir d'achat...
«Ces problèmes, nous les connaissons tous. Comment faire pour avancer sur des sujets concrets dans chacun de nos métiers ?», a lancé René Yedieti, P-DG du réseau Librairie de France en Côte d'Ivoire et président de l'association des libraires ivoiriens. Les expressions «se fédérer» ou «agir ensemble» sont revenus comme un leitmotiv.
« Il faut que l'on soit forts pour pouvoir parler à ce monstre qu'est l'administration», a souligné Hamidou Konaté, directeur des éditions Jamana au Mali. «Nous menons un combat au Mali depuis 1993, il n'est pas gagné, mais nous avons un début de résultat : les appels d'offre sont maintenant nationaux alors qu'avant les multinationales les reportaient. Il faut que l'on se bouge et que l'on n'attende pas tout de l'Etat car il a d'autres priorités... »
Le numérique, problème ou solution?
Vécu comme une possibilité de diffusion accrue par de nombreux éditeurs, le numérique peut aussi perturber la donne car même des acteurs locaux se proposent de concentrer toutes les compétences numériques. Dans ce contexte, « il est important d'avoir des bases claires, contractuelles de coopération entre éditeurs et libraires», a rappelé Jean-Guy Boin, directeur du Bief.
Adaptation de l'offre aux attentes des lecteurs, meilleure communication entre éditeurs et libraires, campagne conjointe pour affirmer leur place, réglementation des marchés publics... Les idées qui ont émergé au cours des deux jours, mais aussi lors du séminaire des libraires de l'association des libraires francophones qui s'est tenu les 10 et 11 novembre à Abidjan, vont nourrir des propositions sur lesquelles travaille René Yedieti.
Les ministres de la Culture des pays de la Cedeao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest) vont en effet se rencontrer à Abidjan à la fin du mois de novembre. Dans cette perspective, le libraire transmettra des recommandations au ministre de la culture ivoirien et a engagé ses confrères des autres pays à faire de même auprès de leurs autorités.
Car pour les éditeurs et libraires, il est plus que temps que des politiques du livre et de la lecture soient enfin effectives : « Nous sommes arrivés à un stade où il faut dépasser le souhait d'avoir une politique du livre, a lancé Agnès Adjao, ancienne gérante de la librairie Notre-Dame à Cotonou (Bénin) et actuelle directrice d'Afrilivres. Au Bénin, un travail a été fait incluant les éditeurs, les bibliothécaire, les éditeurs. Au Sénégal également, en Côte d'ivoire aussi, en Guinée c'est en cours. Les documents existent, ils sont quelque part dans un tiroir. Qu'est-ce qui a fait qu'ils ne sont pas encore appliqués ? »
Les Rencontres des éditeurs et des libraires francophones à Abidjan ont été organisées grâce, notamment, à un financement de l'Institut français et d'un soutien de l'Organisation internationale de la Francophonie qui, par l'intermédiaire du BIEF et partenariat avec l'AILF, prend en charge un certain nombre de libraires participants.
