Un nombre croissant de nouveaux éditeurs indépendants viennent, depuis quelques années, grossir les rangs d’une édition de sciences humaines pourtant réputée sinistrée. Ils sont généralement marqués à gauche, anticapitalistes, et utilisent tous les outils de l’époque pour se faire connaître et se développer, à commencer par les réseaux sociaux. Niet !, Nada, Anamosa ou les éditions du Détour, entre autres maisons, proposent de nouveaux auteurs ou ressortent des textes classiques "dans un contexte global qui leur est favorable", assure Anaïs Mihraje à la Librairie de Paris (17e). Les indignés en Espagne, mais aussi à Hong Kong ou à Wall Street, comme des mouvements tels que Nuit debout "reflètent une évolution dans la manière de s’approprier la parole publique, précise Juliette Mathieu, des éditions du Détour. Des chercheurs, des experts expriment en parallèle une volonté de publier des pensées plus proches de tout le monde."
Ancienne directrice des cessions de droits chez Delcourt, Juliette Mathieu a quitté son poste pour lancer les éditions du Détour en novembre dernier avec un ami en poste, lui, chez Hachette Supérieur. Ils ont mis à profit leurs carnets d’adresses et leur savoir-faire dans l’édition pour mener à bien ce projet dont ils revendiquent l’indépendance. Une démarche proche de celle de Chloé Pathé, ex-responsable éditoriale en sciences humaines chez Autrement, qui a lancé Anamosa en mars 2016.
Leurs expériences passées ont aussi préfiguré les choix de ces éditeurs en matière de diffusion-distribution, où ils misent sur les poids lourds du secteur. Anamosa a fait appel à Volumen-Interforum (Editis), tandis que les éditions du Détour ont choisi le CDE et la Sodis (Madrigall). "Les places sont de plus en plus chères en librairie", constate Nicolas Vieillescazes, éditeur d’Amsterdam, qui développe depuis dix ans un catalogue dans le même champ de la pensée critique. Aujourd’hui, observe-t-il, celui-ci se trouve dans "un moment de forte concurrence".