Le monde du livre est particulièrement bien représenté dans ce nouveau gouvernement. Françoise Nyssen en est issue directement mais celui qui dirige le nouveau gouvernement est aussi un familier et enthousiaste de la lecture. S'agissant des bibliothèques quelle est sa vision ? Quelle politique a-t-il conduite dans la ville du Havre qu'il a administrée depuis 2010 ?
De façon unanime, on peut saluer une politique volontariste en faveur de la lecture. Le plan « Lire au Havre » (couronné du
Grand Prix Livres-Hebdo des Bibliothèques 2012) a consisté à multiplier les modalités de présence du livre dans la cité. Cela passe par un réseau de bibliothèques de quartier de façon à offrir une certaine proximité géographique à la population.
Cela passe aussi par une médiathèque centrale (elle aussi couronnée du
Prix Livres-Hebdo des Bibliothèques pour son espace intérieur en 2016) offrant une diversité de supports et d’ambiances et de vastes collections. Mais les bibliothèques ne suffisent pas à porter la lecture partout. Et en effet, on sait bien que la proportion d'inscrits en bibliothèque est très rarement supérieure à 50% de la population.
Et
d'après les données de l'Observatoire de la lecture publique, le taux d'emprunteurs actifs par rapport à la population desservie s'élevait à 12,2% au Havre en 2014 (c'est-à-dire avant la réouverture de la bibliothèque centrale). Tout logiquement, la promotion de la lecture est alors soutenue par 7 relais- lectures installés au sein de structures municipales et qui complètent le maillage du territoire.
Dans ce cas, il n’y a pas de personnel professionnel mais les personnes qui accueillent ces relais-lectures ont été formés pour gérer ses espaces réduits où on peut s'installer et lire parmi une collection de 2 à 3000 documents. Enfin, pour couvrir l'échelon le plus précis, la collectivité a mis en place les « livres nomades » c'est-à-dire des dépôts de livres dans des
lieux où les habitants passent ou sont en situation d’attente (laveries, bars, maisons de quartiers, accueil d’hôpitaux, piscines, pharmacies, etc.). Comme l'affirmait Edouard Philippe lors de la dernière
journée d'étude de l'ADBGV qui se tenait à Nancy, il s'agit de "
coloniser" les lieux de la ville par le livre.
Un pivot, pas une politique
Mais pour autant, celui qui est devenu premier ministre distinguait clairement une politique de la lecture d'une politique des bibliothèques : "
une politique de la lecture ne peut se réduire aux bibliothèques, même si le réseau de lecture publique en constitue un pivot et une pièce maîtresse" affirmait-il dans un
entretien avec Françoise Legendre en 2014.
A Nancy, il a repris cette idée et contesté celle de faire des bibliothèques des sortes de « forts » pour défendre le territoire de la lecture. Le numérique a facilité l'accès à la lecture et il s'en réjouit même s'il reconnaît que ce soit de nature à "
inquiéter" les bibliothécaires. Pour autant, il a invité les directrices et directeurs des bibliothèques de grandes villes à "
ne pas trop se poser de questions sur le fort". Autant dire qu'il ne faut pas s'attendre à trouver chez lui un promoteur de l'idée de "
loi sur les bibliothèques" qui a longtemps été appelée des vœux des professionnels. La bibliothèque doit bien plutôt s'ancrer comme un partenaire local à l'affût de toute opportunité pour promouvoir la lecture. Et de citer son rôle dans la mise en place d'une action sur la lecture en marge de l'événement populaire du départ de la
Transat J. Vabre à l'automne 2015.
Bref, le premier ministre est un croyant et pratiquant de la lecture et des politiques de sa promotion. Sa vision du monde est moderne. Les bibliothèques sont un instrument dans l'accès à la lecture et plus largement à une forme diversifiée de culture. Il se retrouve en cela avec la
vision promue lors de la campagne par Emmanuel Macron. Et c'est cela qui est neuf : les bibliothèques sont l'objet d'un discours politique là où elles étaient absentes des campagnes présidentielles précédentes. Nul doute que la rénovation de de leur définition, leur prise en compte de la réalité et des usagers y est pour quelque chose. Une fenêtre d'opportunité s'ouvre donc pour donner réalité et poids à des bibliothèques rénovées.