Même si on sait que la vie peut déraper à tout instant, on peut parfois se retrouver au pied du mur quand elle nous surprend. « La prison est pour la plupart d'entre nous un lieu imaginaire », mais pour 4 % de femmes en France, elle rime avec une réalité à laquelle personne n'est préparé. « Ces détenues n'ont pas vraiment de visage, d'histoire ou d'identité », alors la journaliste Elvire Emptaz est allée à leur rencontre, pour comprendre cette expérience de l'intérieur. Leur profil ne tient pas du hasard : la majorité d'entre elles ont été victimes de violence conjugale ou souffrent de maladie mentale. On compte près de 30 % d'étrangères et 20 % d'illettrées. Mais qui sont Rani, Juliette ou Bernie ? L'idée est de leur « redonner un corps, une voix et une dignité », comme l'écrit Leïla Slimani dans sa préface très personnelle (son père avait fait de la prison et elle œuvre comme marraine de l'association Lire pour en sortir). « Comment reprendre le cours de sa vie », sachant qu'on n'est plus la même et que le monde extérieur ne vous fera aucun cadeau. « Une courte peine suffit à désociabiliser totalement un individu », qui perd ses repères, son boulot, son logement ou son couple. Les femmes sont abandonnées dès leur entrée en prison, alors elles récidivent souvent, afin de retrouver ces murs familiers. Surveillante au Centre pénitentiaire des femmes de Rennes, Marie-Annick Horel estime que « la sortie est comparable à l'arrivée d'un migrant dans un pays étranger ». Car libération ne rime guère avec liberté mentale. « L'une des séquelles principales d'une incarcération, c'est la peur. » La plupart de ces femmes ont du mal à déployer leurs ailes. Marie-Christine, une ex-détenue, affirme que « la prison fait des gens des animaux. Les femmes détenues doivent se débrouiller avec leurs armes intérieures pour surmonter l'enfermement physique et mental ». Loin de les présenter comme des oies blanches, Elvire Emptaz tente de les comprendre, même quand leur crime frôle l'innommable. « Le corps de toute femme passée par la détention reste marqué à jamais. » Certaines « veulent le détruire » ou le retirer de la surface de la terre. Le suicide carcéral bat d'ailleurs des records en France. Outre le quotidien de ces femmes, Elvire Emptaz, qui elle-même ne sort pas indemne de cette enquête passionnante, désire saisir avec empathie et justesse « ce passage » possible « de l'ombre à la lumière ».
Je suis dehors. Quelle vie pour les femmes après la prison ?
JC Lattès
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 19,90 € ; 192 p.
ISBN: 9782709669344