Le bout du tunnel. De ce voyage, personne n'est revenu, sauf Jésus pour les chrétiens. Pourtant, certains se sont approchés du moment fatidique, sans jamais basculer de l'autre côté, et ont décrit leurs expériences de mort imminente (EMI) par des sensations particulières que l'on retrouve dans de nombreux témoignages, comme s'il y avait des archétypes à l'œuvre : le défilement de son existence comme dans Les choses de la vie de Claude Sautet ou le fameux tunnel avec la lumière au bout. Ce sont ces récurrences que Renaud Évrard passe au crible de la science. Ce psychologue clinicien, enseignant-chercheur à l'université de Lorraine, premier président français de la Parapsychological Association, est une sommité dans le domaine. Il a déjà beaucoup publié, dans des revues spécialisées puis pour le grand public, sur ces faits étranges (Phénomènes inexpliqués, Humensciences, 2023) et il offre ici une synthèse sur ce que l'on sait de l'EMI.

Son livre très structuré, nourri de nombreux cas comme celui d'un motard belge qui voit venir son dernier instant sur un bolide devenu fou, se situe au carrefour de la science et de la philosophie, en prise avec les mécanismes de la psychologie et les constantes anthropologiques. Il met aussi en évidence la relation complexe entre le corps et la conscience. L'EMI serait ainsi une sorte de combinaison de survie, une « réaction psychosomatique adaptative à l'effroi de la disparition imminente ».

La « bonne mort » était jusqu'au XIX^e siècle un départ en paix avec soi-même et avec Dieu. Aujourd'hui, c'est celle qui se déroule sans souffrance. Les avancées médicales sont passées par là et c'est tant mieux. Mais peut-être a-t-on un peu vite oublié le sens de ce clap final en passant de la « bonne mort » à la notion de « fin de vie ». Les EMI sont alors peut-être à leur façon des réponses anthropologiques et pas seulement chimiques à cette nécessaire inquiétude, une « sortie de secours » comme le dit Renaud Évrard. Son ouvrage, très documenté, est par ailleurs d'une grande sobriété car il n'adopte pas un point de vue scientiste hautain. En montrant le poids des croyances dans cette expérience au fondement de notre humanité, il propose un voyage fascinant dans les imaginaires de la mort.