L'auberge tokyoïte. Pour prendre ses distances, il faut parfois littéralement en mettre, de la distance : des milliers de kilomètres, voire plusieurs méridiens, entre soi et ce qu'on désire quitter.

Mariée à 20 ans avec le premier garçon qui s'intéressait à elle, la jeune Camille veut divorcer. L'héroïne du nouveau roman d'Émilie Desvaux, Le ciel de Tokyo débarque à la Gaijin House (« Maison des étrangers »), une pension bon marché sise à Asakusa, un vieux quartier de la capitale japonaise, « repaire de boutiquiers, de personnes âgées et de clochards ». L'endroit est carrément miteux. Brésilien spécialiste de Mishima, Chinois mystérieux et fuyant, Allemand féru de bouddhisme... les pensionnaires parfois se lient d'amitié, plus si affinités. Champion de la procrastination, entre pétards et jeux vidéo, séducteur malgré sa petite taille, Christophe alias Lénine est le benjamin d'une famille belge aisée. Il s'est fait mettre à la porte par son père excédé. Il tente l'aventure au pays du Soleil-Levant, pariant que, malgré son physique de gringalet, il plaira à la gent féminine nippone qui, paraît-il, raffole des Occidentaux. De fait, il embobine une certaine Keiko à qui il promet de l'épouser, avant d'enchaîner les liaisons comme escort boy de riches Japonaises d'âge mûr. Et puis, un jour, il se rend compte que la Française timide de la pension est jolie... Dans ce roman d'apprentissage empreint d'une douce nostalgie, Émilie Desvaux dépeint des destins d'expatriés de passage et d'éternels exilés du réel qu'elle fait se croiser dans une niche hors du temps, métonymie d'une vie entre les plis d'un temps adulte où tout sera compté.