David Grossman est un infatigable activiste de la paix au Proche-Orient et un militant inlassable pour la liberté. Les formules et les grands mots sont clichés, mais comment qualifier autrement l'écrivain israélien quand on lit Dans la maison de la liberté ? Ce recueil qui réunit onze interventions publiques dans lesquelles l'écrivain israélien de 64 ans réaffirme ses engagements politiques - plaidoyer pour un règlement du conflit entre les Israéliens et les Palestiniens par la création de deux Etats, critique frontale du gouvernement Netanyahou. Il reformule ses arguments en des lieux souvent symboliques : du « Pigeon voyageur de la Shoah », en 2010 à la Foire de Francfort, où il recevait le prix de la Paix par l'Union des éditeurs allemands, à sa plus récente tribune, « Un combat entre ceux qui ont renoncé et ceux qui espèrent encore », parue dans Libération le 6 août, ou encore dans « Se souvenir fait mal, oublier fait encore plus peur », le discours prononcé lors de la cérémonie du Souvenir, au forum des familles endeuillées israéliennes et palestiniennes, le 20 avril dernier, alors qu'il venait de recevoir le prestigieux prix Israël.
Optimiste, Grossman ne l'est pas. Pourtant, si le citoyen israélien constate « avec douleur et tristesse » qu' « au bout de soixante-dix ans, Israël est peut-être une forteresse mais pas encore une maison » et que « si les Palestiniens n'ont pas de maison, les Israéliens n'auront pas de maison », il s'entête à cultiver l'espérance contre la paralysie, le fatalisme et le désespoir, face à « "la situation", un euphémisme pour le sang répandu depuis plus d'un siècle. Pour des guerres interminables, l'occupation, le terrorisme, la violence et la peur existentielle ».
La littérature est l'autre prise de position dans ce recueil chargé de paroles frappantes et d'appels. Le lauréat du Man Booker Price International pour Un cheval entre dans un bar célèbre la possibilité, à travers elle, d'être d'autres que soi et d'approcher « l'infini humain, autrement dit l'infinité des visages de l'humain ». Dans ces interventions, Grossman fait à plusieurs reprises référence à l'écriture de son magnifique roman Une femme fuyant l'annonce, prix Médicis étranger 2011, l'histoire d'une mère dont le fils soldat est à la guerre qui tente d'échapper au moment où on va lui annoncer sa mort, un texte commencé plusieurs années avant le décès de son propre fils Uri, le 12 août 2006, à la fin de la deuxième guerre du Liban.
Dans « Faits de la vie et de la mort », une conférence prononcée à l'université Harvard le 6 octobre 2015, David Grossman condense l'enjeu vital de l'écriture : « A mes yeux d'écrivain, l'art, la littérature surtout sont les armes de celui qui s'obstine à réfléchir encore à l'unique, à l'être humain, à la spécificité de chaque individu, homme ou femme, Blanc ou Noir, juif, musulman ou chrétien, Israélien ou Palestinien, à leur droit de vivre honorablement, sans humiliation, avec le sentiment de sécurité, le sentiment d'égalité. En paix. Cette obstination en l'occurrence - par l'écriture et par mon action politique - est ma façon de surmonter le découragement, de résister à la force d'attraction de la douleur. C'est ma façon de choisir - en dépit de tout - la vie. »
Dans la maison de la liberté : interventions
Seuil
Tirage: NC
Prix: 19 euros ; 176 p.
ISBN: 9782021402773