Affiches informatives sur l'inflation, gommettes, étiquettes... Depuis quelques mois, les hausses de prix viennent corser le quotidien des libraires qui se seraient bien passés de ces travaux manuels. « On utilise nos logiciels de gestion pour identifier les livres concernés, mais avec plus de 40 000 références, ça représente un temps de travail colossal ! », souligne Sandrine Lebreton, gérante du Point-Virgule à Aurillac (Cantal). Une mission laborieuse mais d'autant plus nécessaire que, depuis début avril, les librairies peuvent de nouveau être contrôlées sur le marquage des prix.

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Une affiche de Folio sur la hausse des prix placardée au sein de la librairie La Droguerie de Marine à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine).- Photo SL

Un travail de Sisyphe

Comme Sandrine Lebreton, près des trois quarts des libraires questionnés en ligne par le Syndicat de la librairie française (SLF) ont réalisé ou sont en train de réaliser le ré-étiquetage des livres en stock. « Mais il y a encore des prix qui augmentent, donc on a l'impression de ne jamais être tout à fait à jour », observe Audrey Neveu, gérante de la librairie Les 2 GeorgeS, à Bondy (Seine-Saint-Denis).

Alertée sur les difficultés du secteur en matière d'étiquetage, la DGCCRF* avait consenti à geler les contrôles, permettant à l'interprofession de se concerter autour du Médiateur du livre, saisi en décembre 2022 par le ministère de la Culture sur cet enjeu. Des échanges qui ont « permis de rappeler à chacun ses obligations », se félicite le SLF, les éditeurs ayant la responsabilité de marquer les prix sur les ouvrages, et les détaillants celle de fournir aux clients une information juste sur les prix.

« Si la différence entre le prix affiché et le prix en caisse ne passe pas auprès du client, on prend en charge le delta », explique Sarah Bricout qui officie à la Librairie Longtemps, à Paris. « Ces changements, ça représente de la main-d'œuvre, des étiquettes à imprimer... Mais pourquoi ce serait à nous de subir ce surcoût ? », questionne Sandrine Lebreton du Point-Virgule. De son côté, le SLF « interroge actuellement les groupes d'édition et de grands éditeurs indépendants afin de connaître leurs actions » en matière de ré-étiquetage, et d'aborder d'éventuelles « compensations financières en faveur des libraires ».

Ajustements et crise sociale

Nombreuses à être sorties renforcées de la période Covid, les librairies maintiennent cependant le cap, quitte à faire quelques ajustements. « Le coût du transport ayant augmenté, on a réduit à deux jours de livraison par semaine, contre quatre à Noël et trois en janvier », cite en exemple Bénédicte Cabane, gérante des Danaïdes, à Aix-les-Bains (Savoie).

Par ailleurs, chez les libraires interrogés, le panier moyen semble se maintenir. « Il est même en légère hausse, mais c'est peut-être lié à la hausse des prix. On n'a pas encore assez de recul », estime Mélanie Chenais, de La Droguerie de Marine, à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). À Nantes, Daniel Cousinard, propriétaire de la librairie Durance, constate « un basculement très fort vers le poche », avec des chiffres en hausse de +15 % à +20 %, de janvier à mars 2023. « À partir du 20 du mois, la fréquentation baisse clairement, nuance Audrey Neveu. Outre l'inflation, il ne faut pas négliger le fait que nous sommes dans une période de crise sociale anxiogène. » Un climat que tous ont en tête, et qu'aucune gommette ne saurait masquer... S. L.

*Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes

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