De nos jours, quelque part dans une ville qui n'est pas nommée (mais en laquelle on s'autorisera à reconnaître Bordeaux), un homme rencontre une femme. Il a un travail dont on ne saura rien, elle est étudiante aux Beaux-Arts. Elle est probablement nettement plus jeune que lui, mais ce n'est pas un problème. Le problème, c'est que cette fille manque totalement de savoir-vivre. Littéralement. Elle ne sait pas comment faire. Comment vivre, comment aimer, comment se laisser aimer, comment accepter que le temps passe, hélas. Elle n'est plus que la proie des diagnostics des psychiatres, des désirs d'un écrivain. "Je suis dos à la fenêtre, elle me fait face, son visage est parfaitement éclairé par la lumière du dehors, elle resplendit, je pense : elle est stellaire. Puis, par référence au nom que les psychiatres donnent aux patients comme elle, bipolaires, je rectifie aussitôt : elle est polaire. Oui, elle est perchée sur une des deux extrémités du monde."
Polaire est le cinquième roman de Marc Pautrel, le troisième publié à l'enseigne de la collection "L'infini". Comme ceux qui l'ont précédé, c'est un douloureux et passablement terrifiant petit précis de décomposition amoureuse. Le narrateur du livre est bien incapable de résoudre l'énigme de la tristesse de son amie, de dissiper ses peurs. Il va, de-ci, de-là, de rencontres où s'exclut toute intimité en rendez-vous manqués, jouet volontaire des foucades de la jeune femme, douloureusement conscient de l'être. Il faut, ne nous y trompons pas, pour accepter de se peindre ainsi dans la plénitude de son échec que ne vient rehausser nul désastre, beaucoup de courage. Le courage d'un homme et le talent d'un authentique écrivain.