12 JANVIER - PHILOSOPHIE Italie

Avec Opus Dei, Giorgio Agamben poursuit sa vaste enquête philosophique sur l'Homo sacer, "l'homme sacré". Il est cette fois question de la liturgie à travers une démarche que le philosophe italien qualifie d'"archéologie de l'office". "Le monde que nous avons devant nous n'est pas un monde qui est ou qui se contente de devenir, mais un monde qui doit obéir à l'injonction d'un sois."

Puisque le réel n'existe que s'il est gouvernable, la liturgie ou l'office vont s'employer à faire le lien entre le ciel et la terre en mettant un peu d'ordre ici-bas, notamment en imposant à l'être croyant des devoirs. L'Eglise fonde ainsi sa pratique de l'opus Dei - "oeuvre de Dieu" - sur l'Epître aux Hébreux et l'Epître de Clément aux Corinthiens. "La liturgie, écrit Giorgio Agamben, réalise la communauté politique entre Eglise céleste et Eglise terrestre."

Cette communauté politique se manifeste avec le mouvement liturgique qui prend son essor après la Première Guerre mondiale en réaction à l'individualisme humaniste et à la rationalisation du monde. On peut même considérer - même si Agamben ne fait pas le lien - une proximité entre cette vague liturgique et la création en 1928 de l'organisation Opus Dei par Josemaria Escrivá de Balaguer au sein de l'Eglise catholique.

Chemin faisant, le mystère liturgique devient la réalité de l'Eglise, ce par quoi elle s'ancre sur la terre des hommes. L'opus Dei transforme l'être en devoir dans une sorte de métamorphose qui rassemble éthique et politique. Spécialiste de Heidegger et de Benjamin, Agamben aime naviguer dans les concepts. La théologie médiévale n'en manque pas. Dans une démarche qui s'apparente à celle de Michel Foucault, il s'engage dans une sorte d'archéologie du commandement et de la volonté qui requiert une belle agilité intellectuelle.

Ce livre savant, austère et fascinant examine les liens entre religion, devoir et pouvoir. Il plonge dans les mots de la liturgie et observe la manière dont ils s'organisent. Il y a quelque chose de stupéfiant dans cette façon de décortiquer le vocabulaire de la théologie et de le soumettre au crible de Nietzsche, Kant ou Aristote.

Dans la continuité d'une oeuvre déjà considérable, Giorgio Agamben - il est né en 1942 - montre comment l'Eglise a inventé un nouveau paradigme politique et ce que nous pouvons en tirer, nous, dans notre réflexion sur nos sociétés. Pour lui, cela revient à se demander comment penser "une éthique et une politique entièrement libérées des concepts de devoir et de volonté". Vaste programme...

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