Notion capillaire. Nappy hair, qui désigne en anglais les cheveux crépus, est à l'origine péjoratif puisque nap, c'est la bourre du coton que cueillaient les esclaves aux États-Unis. Aujourd'hui, nombre d'Afro--Américains et d'Afro-Caribéens se réapproprient à la fois l'expression et la coupe afro. Parmi les stigmates raciaux à l'encontre des Noirs et des métis, outre la couleur de peau, on trouve la question capillaire. Tant et si bien que du côté paternel d'Estelle-Sarah Bulle, née d'un père guadeloupéen et d'une mère franco-belge, on avait comme intériorisé ce préjugé. Les tantes de l'autrice de Là où les chiens aboient par la queue (Liana Levi, prix Stanislas 2018) lissaient leurs propres cheveux et tressaient de mille ingénieuses manières ceux de leurs filles.
Peu consciente des canons capillaires de sa belle-famille antillaise, la mère, blanche, de la petite Estelle-Sarah laissait cette dernière tranquille avec sa coiffure au naturel, au scandale de la parentèle des îles. Elle enrageait toutefois contre les femmes à peau claire qui se permettaient de passer la main dans le nuage de cheveux de sa fille... En résidence d'écriture dans un lycée de CAP coiffure, Estelle-Sarah Bulle est amenée à se reposer la question de son identité liée à la nature de ses cheveux. Identité de métisse tout autant que d'écrivaine. De Poil de carotte à Maryse Condé, elle livre comme l'indique l'épithète dans le titre de l'ouvrage, Histoire sentimentale de mes cheveux, une réflexion intime entremêlée de souvenirs d'enfance et d'observations sagaces, politiques, d'une plume jamais vindicative, toujours poétique.
Histoire sentimentale de mes cheveux
Bayard
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 19 € ; 240 p.
ISBN: 9782227501669