22 AOÛT - ROMAN France

Benoît Duteurtre- Photo DR/FAYRAD

Contrairement à ce que le titre du roman, en forme de clin d'oeil balzacien, pourrait laisser croire, Jérôme Demortelle, le héros de Benoît Duteurtre - dont il avoue à la fin qu'il "[lui] ressemble comme un frère » - n'est pas Rastignac. Ce n'est pas du tout un jeune provincial ambitieux, assoiffé d'honneurs et d'argent, qui monte à Paris afin de réussir à tout prix en mouillant sa chemise. Jérôme est un petit-bourgeois dieppois, "un punk de bonne famille » qui, à 19 ans, s'émancipe sous prétexte de licence d'histoire de l'art à la Sorbonne, et va en profiter pour mener la dolce vita parisienne.

Bien vite, il ment à ses parents, envoie ses études par-dessus les moulins, et commence à fréquenter les milieux interlopes de la bohème parisienne. Pianiste, fan de jazz, de funk, de groove, notre ami voudrait bien réussir dans la musique, composer, faire des tubes. Devenir certes riche et célèbre, mais en ne fichant pas grand-chose. Ses nuits sont plus belles que nos jours, passées à picoler avec la tyrannique Mina, chanteuse réaliste qui le fait débuter sur scène, et surtout à se camer à la coke avec Serge, Manuel et les autres... Paris, en ce début des années 1980, c'est les clubs des Halles, les Bains-Douches, le Palace, la chnouffe et l'élection de François Mitterrand. Pour Jérôme, c'est aussi les tapins de la rue Sainte-Anne et quelques rares expériences, puisqu'il se décide enfin à assumer son homosexualité tout en jouant un temps le gigolo hétéro afin de se payer ses fringues, ses drinks et sa poudre.

Tout ça n'est pas très reluisant, et le personnage semble un peu falot. Son épopée parisienne est entrecoupée de quelques flash-back normands, ou de topos sur les night-clubs de l'époque, le trou puis le forum des Halles jusqu'à sa récente destruction. On a même droit à une petite conversation avec le maire de Paris, Bertrand Delanoë...

Le récit progressant, agréablement mené comme toujours par un écrivain qui sait y faire, on n'imagine pas comment tout ça va se terminer : en drame ou en bluette ? Et justement, avec ses épilogues "interactifs", Benoît Duteurtre donne le choix à son lecteur. On préfère la deuxième fin : Dumortelle n'a pas l'étoffe d'un héros tragique. Son naturel bourgeois (de gauche) ne demande qu'à revenir au galop.

A nous deux, Paris ! voudrait se situer dans la veine autofictionnelle de Benoît Duteurtre, celle des Pieds dans l'eau, de L'été 76, ou du Retour du Général, tous épatants. Mais n'y parvient pas vraiment. Le roman souffre de longueurs, de ses digressions documentaires. Demeurent le charme du petit monde de l'auteur, la vivacité de son style. Mais il devrait peut-être mettre un temps sa prolixité sur "pause" et revenir avec un livre plus ambitieux.

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