C’est au consensus entourant l’élargissement de l’exception handicap au droit d’auteur que l’on mesure le chemin parcouru depuis son introduction en 2006. Loin des tensions et des craintes qui avaient accompagné la loi Dadvsi neuf ans plus tôt, le chapitre III de la loi Liberté de la création, architecture et patrimoine devait être voté sans encombre en première lecture à l’Assemblée nationale cette semaine (après notre bouclage). Intitulé "Promouvoir la diversité culturelle et élargir l’accès à l’offre culturelle", il satisfait aussi bien les éditeurs et les auteurs que les représentants des personnes handicapées. Il faut dire qu’il est le fruit d’une longue concertation, suite à un rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles de 2013 qui pointait les insuffisances du dispositif initial. Et d’un travail patient et obstiné de sensibilisation de la part des services du ministère de la Culture.
L’exception handicap dispense les associations et les organismes agréés travaillant pour des personnes handicapées de demander l’autorisation des titulaires de droits pour adapter des œuvres, essentiellement en braille, en gros caractères ou en livre audio. Depuis 2010, c’est la BNF, via la plateforme Platon, qui joue le rôle d’intermédiaire sécurisant. Dès lors qu’un organisme fait la demande d’un titre, les éditeurs ont l’obligation de fournir le fichier numérique à la BNF, qui le transmet à l’organisme, lequel doit le détruire une fois l’adaptation réalisée.
Ce principe ne change pas. Mais la nouvelle loi élargit les bénéficiaires et assouplit le fonctionnement. Alors que l’exception était jusque-là liée à un pourcentage de handicap (supérieur à 80 %), elle concernera désormais toute personne dont les besoins spécifiques de lecture ne trouvent pas de réponse sur le marché. Une définition plus ouverte qui permet d’inclure les personnes affectées par des troubles cognitifs comme la dyslexie, la dyspraxie, la dysphasie ou les troubles de l’attention. Cette formule laisse aussi le champ libre aux éditeurs pour proposer une offre commerciale adaptée.
Les éditeurs scolaires, eux, devront remettre leurs fichiers numériques à la BNF dès publication, sans attendre la demande d’un organisme travaillant avec les enfants handicapés, pour réduire au maximum les délais d’adaptation.
Simplification
L’aspect technique des adaptations va être simplifié. Le ministère de la Culture sera chargé d’établir une liste des formats dans lesquels les fichiers sont transmis par les éditeurs à la BNF. Déjà, grâce à un important travail de pédagogie mené au sein du Syndicat national de l’édition sous l’impulsion de Patrick Gambache, directeur général de Points et directeur du développement numérique du groupe La Martinière, les éditeurs proposent aujourd’hui davantage de XML, bien plus facilement adaptable que le PDF. L’usage de l’ePub3, qui intègre nativement des fonctionnalités permettant de rendre les livres numériques accessibles à tous, est, lui, encore à venir.
Autre objectif de la loi : accroître la circulation des œuvres adaptées. A chaque fois qu’un organisme agréé aura réalisé une adaptation, il devra en transmettre le fichier à la BNF qui le mettra à la disposition de tous les autres. Platon deviendra ainsi une bibliothèque des œuvres adaptées. Les organismes seront autorisés à partager entre eux leurs fichiers. Le périmètre des organismes pouvant être agréés intégrera aussi ceux qui les diffusent, comme les bibliothèques, qui voient leurs initiatives en ce sens confortées.
Enfin, sur le plan international, la loi anticipe l’entrée en vigueur du traité de Marrakech de 2013 en organisant la façon dont les organismes français et étrangers peuvent échanger leurs fichiers. Mais son application ne sera pas immédiate car le vote formei de la loi n’interviendra qu’après la navette entre les deux chambres du parlement.