Lise Boëll, 57 ans, a été nommée mercredi 5 juin Présidente-Directrice Générale des Editions Fayard, selon un communiqué du groupe Hachette Livre, mettant fin à une vacance de près de deux mois à la tête d'une des maisons d'édition les plus anciennes de France. Les salariés ont été convoqués à 9h30 ce jeudi matin pour rencontrer leur nouvelle patronne, qui sera accompagnée, selon nos informations, d'Estelle Cerutti, l'actuelle Directrice générale adjointe des éditions Mazarine.
Depuis le départ acté d'Isabelle Saporta le 16 avril dernier, le pouvoir de P-DG de la maison était dévolu à Nathalie Jouven, secrétaire générale de la branche littérature d'Hachette Livre. L'ancienne P-DG, restée moins de deux ans en poste, avait été licenciée pour « divergences stratégiques ». Selon nos informations, elle avait refusé d'octroyer à Lise Boëll la possibilité d'utiliser la marque Fayard, après la nomination de cette dernière à la tête des éditions Mazarine le 22 février.
Fortes tensions en interne
Lise Boëll, qui a réalisé la plus grande partie de sa carrière chez Albin Michel avant de prendre la tête de Plon pendant deux ans chez Editis, avait suivi l'ancien actionnaire de celui-ci, Vivendi, après sa prise de contrôle du groupe Hachette. Sa nomination à la tête de la maison Mazarine, issue du giron des éditions Fayard, avait créé de fortes tensions en interne, jusqu'au CSE du groupe.
Reconnue pour avoir été l'éditrice notamment de Dora, l'Exploratrice, elle est restée connue pour avoir accompagné éditorialement Eric Zemmour et être encore celle de Philippe de Villiers, Stéphane Bern ou Michel Denisot. Son passage chez Plon, entre 2021 et 2023, a été marqué par deux enquêtes sociales et la situation délicate d'une maison d'édition historique bicéphale, avec une équipe gérée au siège d'Editis par Céline Thoulouze, et la sienne, installée rue d'Assas, avec plusieurs collaborateurs en congés maladie longue durée. Autant que l'image, la situation financière de Plon s'en est trouvée dégradée, malgré quelques succès de ventes comme les mémoires de Roselyne Bachelot au Ministère de la Culture, 682 jours, écoulé à près de 50 000 exemplaires, selon GFK.
Le jour le plus long
Avant même d'intégrer le groupe Hachette, passé sous le contrôle de Vivendi en novembre dernier, l'éditrice n'a pas caché son ambition de prendre la tête de Fayard, laissant dans un premier temps dubitative l'équipe d'Isabelle Saporta. Cette dernière a souhaité d'abord « se battre pour défendre son bilan et son honneur », avait-elle confié alors à Livres Hebdo, avant d'être remerciée deux mois plus tard par la direction du groupe Hachette.
Les salariés ont vécu ce mercredi comme le jour le plus long. A 9h, un mail de Nathalie Jouven les a convoqués à une réunion d'information à 15h, durant laquelle ils ont donc appris la nomination à laquelle ils ne s'attendaient plus. « La Direction nous avait assuré que Lise Boëll n’était pas intéressée à l’idée de diriger une maison mais souhaitait seulement pouvoir utiliser la marque Fayard » explique à Livres Hebdo Marie Clerc, attachée de presse de la maison depuis bientôt deux ans. Toute l'équipe s'est retrouvée mercredi soir « en terrasse », pour échanger sur cette nouvelle qui n'a pas fait beaucoup d'heureux dans ses rangs. « On a tenu la maison pendant deux mois, pour les auteurs, en préparant une super rentrée littéraire, mais on nous a endormis », résume l’ancienne responsable de communication des éditions Fleurus. Contactée, la Direction du groupe Hachette n'a pas souhaité faire de commentaires, ni sur le passé, ni sur le futur de Fayard.
Avec ou sans Jordan Bardella ?
La maison, qui revendique un chiffre d'affaires de 34 millions d'euros en 2023, dû notamment au succès en librairie de Suppléant, les mémoires du Prince Harry, avait déjà subi en 2022 une transition délicate après le départ de Sophie de Closets et son remplacement par Isabelle Saporta. Cette dernière n'a pas ménagé sa peine pour développer Fayard Graffik, une collection de romans graphiques, et récupérer le dernier tome des mémoires élyséens de Nicolas Sarkozy, Le Temps des combats, qui approche les 80 000 ventes selon GFK, après deux premiers opus édités par L'Observatoire, maison du groupe Humensis.
L'arrivée de Lise Boëll dans le groupe Hachette était accompagnée d'une rumeur sur la probable publication du premier livre de Jordan Bardella. Selon des indiscrétions que Livres Hebdo n'a pas coutume de propager, la relation entre les deux fortes personnalités se serait dégradée entre l'hiver et le printemps, mettant un terme au projet d'édition par Lise Boëll. Cependant, plusieurs médias se sont fait l'écho de l'envie du président du Rassemblement national d'être édité par une grande maison, comme Fayard. La nomination de Lise Boëll à sa tête met donc non seulement fin à six mois d'incertitudes à la tête de la maison de la rue du Montparnasse, mais rouvre également la porte à une collaboration avec Jordan Bardella, et plein d'autres possibilités...