C’est par une lettre adressée le 13 mai aux libraires et signée de la main de sa P-DG Sophie de Closets que Fayard l’a annoncé. La maison publie le 2 juin Historiciser le mal, une édition critique de Mein Kampf. L’éditeur a en effet choisi de ne pas mettre le livre « à l’office », selon le système classique de mise en vente, mais de le proposer à la commande. « Sans vous, sans votre relais sur le terrain pour expliquer notre démarche, dans le chaos des réseaux sociaux et des fake news, nos efforts risquent d’être en partie compromis », écrit Sophie de Closets aux libraires, les mettant au cœur du dispositif d'accompagnement de l'ouvrage auprès du public.
« Il ne s’agit aucunement d’un lancement, et en aucun cas d’une réédition », martèle la communication de Fayard, jointe par Livres Hebdo. Fruit de plus de dix ans de travail, Historiciser le mal promet de « respecter l’exigence scientifique et éthique qui s’impose ».
Sa traduction a été confiée à Olivier Mannoni (déjà traducteur de Sigmund Freud et Stephen Zweig), qui a ensuite travaillé avec un comité d’historiens dirigé par Florent Brayard (CNRS/EHESS). Ont participé Anne-Sophie Anglaret, David Gallo, Johanna Linsler, Olivier Baisez, Dorothea Bohnkamp, Christian Ingrao, Stefan Martens, Nicolas Patin et Marie-Bénédicte Vincent, tous spécialistes du nazisme, de la Shoah et de l’histoire juive. Fayard a également conclu un partenariat avec l’Institut d’Histoire de Munich, qui a publié dès 2016 sa propre édition critique de Mein Kampf.
27 introductions, 1 000 pages
L’ouvrage sera présenté à la presse ce mercredi 19 mai, en présence de Serge Klarsfeld, président de l’Association des fils et filles de déportés juifs de France. Historiciser le mal va compter près de 1 000 pages, le double du texte du « Führer », augmenté d’une introduction générale, de 27 introductions de chapitres reprenant la genèse du nazisme et de 3 000 notes, indissociables de la lecture du texte. Chargée de la conservation du site du camp de concentration et d’extermination, la Fondation Auschwitz-Birkenau percevra des droits dès le premier exemplaire vendu et l'intégralité des bénéfices. « Nous sommes convaincus que le travail des historiens est nécessaire pour lutter contre l’obscurantisme, le complotisme et le refus de la science et du savoir en des temps troublés, marqués par la montée des populismes », argumente Fayard.
Entré dans le domaine public depuis 2016, soixante-dix ans après la mort de son auteur Adolf Hitler, Mein Kampf (« Mon combat » en allemand) se trouve déjà en un clic sur Internet, dans une traduction erronée, de 1938, republiée par une maison d’extrême-droite (5 000 exemplaires auraient été vendus l’an passé). A l’époque, la parution annoncée d’une édition critique avait tant fait polémique que Fayard avait repoussé le projet pour permettre à l'équipe scientifique de travailler. La crise sanitaire légèrement calmée, et le maximum de précautions éthiques et médiatiques prises, la maison d’édition a donc estimé que les conditions étaient réunies et confirmé sa parution.