Fleur Pellerin - La Foire de Francfort est la plus grande manifestation mondiale du secteur du livre : cette invitation d’honneur est une grande fierté et une opportunité exceptionnelle pour l’ensemble de la filière du livre et pour l’édition française.
Nous devons profiter de ce grand rendez-vous que le livre donne au monde pour renforcer l’offre française sur le marché international, qui représente aujourd’hui plus d’un quart des ventes des éditeurs français, et sur lesquelles des marges existent encore. Avec une croissance démographique importante dans les décennies à venir, l’espace francophone représente un enjeu majeur pour le développement et le rayonnement de l’édition française. C’est par là que passent le renouveau et le dynamisme du secteur : c’est pourquoi je souhaite que le pavillon d’honneur de 2017 s’ouvre sur la francophonie.
Je suis heureuse de dire que la participation de la France est aussi le signe de la vitalité de la coopération franco-allemande, particulièrement riche en matière de politique culturelle, notamment dans la politique du livre. Nous défendons avec Berlin des positions communes sur le système pour le prix unique du livre ou la défense du droit d’auteur. Je veux approfondir cette communauté d’approche franco-allemande au niveau européen dans les domaines de la fiscalité, de la concurrence ou du droit.
Je pense au contraire que le droit d’auteur et la propriété intellectuelle demeurent le pilier de la création, de l’innovation et de la diversité dans le monde numérique. A l’heure où les sociétés européennes et les économies sont en transition, et où les œuvres sont amenées à une plus large diffusion auprès du grand public, il est absolument nécessaire de préserver les outils de rémunération de tous les acteurs de la création.
Car dans un monde où la valeur se dématérialise, préserver le droit d’auteur, c’est aussi préserver l’écosystème qui permet à la création d’éclore, de s’épanouir. Je ferai valoir à la Commission qu’il est dans l’intérêt de tous les Européens de veiller à la valorisation de notre patrimoine intellectuel.
Rappeler ces fondamentaux n’exclut pas l’adaptation du droit d’auteur, le secteur du livre en donne de bons exemples. Je présenterai ainsi au conseil des ministres cet automne l’ordonnance modifiant les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition, discuté par le CPE et le SNE. Sur l’élargissement des exceptions, à laquelle est attachée la Commission, nous menons un travail avec tous les acteurs du handicap, les associations, les éditeurs et les ayants droit pour moderniser l’exception handicap et aboutir à une plus grande accessibilité des œuvres de l’écrit. Je suis fière de dire qu’en France tous les grands acteurs concernés, sans attendre les échéances internationales, se sont mobilisés autour de cette question. Donner accès à tous, dans le respect du droit d’auteur, aux œuvres de l’écrit revêt à mes yeux une importance particulière.
Si la part de marché du livre numérique est encore limitée en France, il ne fait pas de doute qu’il est un élément important pour l’avenir du livre et de la lecture. Je m’en réjouis : il ne remplacera pas le papier, mais permettra d’attirer de nouveaux publics et de développer de nouvelles formes de lecture. Je souhaite que nous soyons davantage en pointe sur la connaissance des usages, comme celui du streaming qui, en matière d’écrit, vient tout juste de débuter.
Pour soutenir la diffusion sur livre numérique, nous devons agir sur l’interopérabilité des formats. Quand j’achète un livre, je veux avoir le droit de lire et relire cette œuvre quel que soit le support technique que j’utilise. Aujourd’hui, plusieurs formats concurrents dominent le marché et tendent à enfermer le consommateur. J’ai récemment reçu une organisation internationale qui promeut des formats ouverts et interopérables pour les livres numériques, l’IDPF (International Digital Publishing Forum), que je souhaiterais voir s’implanter à Paris. Je compte par ailleurs défendre ce sujet à Bruxelles.
L’ère numérique va en effet de pair avec l’arrivée d’acteurs mondialisés qui, dans le secteur du livre comme dans celui des autres champs culturels, n’appliquent pas toujours les mêmes règles que les acteurs français traditionnels. C’est un sujet sur lequel je travaille depuis deux ans et demi, notamment sur le champ de la fiscalité. La mesure sur les frais de port, de même que la création d’un médiateur du livre, sont des outils qui modernisent la loi de 1981 sur le prix unique. Mais nous demandons, au niveau européen, d’autres modifications, comme le réaménagement des règles d’impôt sur les sociétés pour mettre fin aux stratégies d’optimisation fiscales mises en place par les grandes entreprises. Ce sont des combats que je continuerai à mener avec force.
Vous le savez, la jeunesse est une priorité de mon action. Si on en croit ces études, il y a certes un léger recul de la lecture chez les jeunes, mais on remarque aussi chez eux un attachement fort pour les livres.
Je rappelle que c’est par le livre que les très jeunes accèdent largement à la culture. Notre littérature jeunesse est dynamique, nos auteurs et illustrateurs sont reconnus et le réseau de lecture publique a largement diversifié ses services autour des sections jeunesse.
Nous devons maintenant faire en sorte que les jeunes continuent à lire en grandissant, alors qu’il existe une profusion d’autres formes de divertissement immédiatement disponibles. Créer des liens entre les livres et les jeunes passe bien sûr par l’école, par la lecture en famille, mais aussi par des campagnes mobilisant les relais et les médias utilisés par les enfants et les adolescents. Le Centre national du livre travaille depuis mars dernier à une manifestation en faveur des jeunes et de la lecture : je soutiens cette initiative qui donne l’envie de lire et le goût des livres à nos jeunes concitoyens.
Le grand plan numérique pour l’école annoncé par le président de la République est une chance pour notre pays. Le numérique offre des possibilités nouvelles pour l’apprentissage, qui enrichiront l’expérience des élèves comme des professeurs.
Pour qu’il soit une réussite, il est essentiel que soient mis à la disposition des élèves non seulement les équipements, mais aussi toutes les ressources pédagogiques numériques dont les élèves auront besoin. Mon premier rôle sera d’accompagner les éditeurs, ainsi que l’ensemble de la chaîne du livre, pour renforcer leur offre numérique, et travailler à l’élaboration de modèles économiques satisfaisants pour les acteurs du secteur.
Il est également essentiel de développer les capacités numériques des institutions culturelles, comme les bibliothèques ou les médiathèques. Celles-ci ont un véritable rôle à jouer en complément de l’école, et il faut qu’elles soient en mesure de proposer des contenus et des offres de médiation pour accompagner cette évolution.
Les médiathèques constituent d’abord un formidable réseau culturel de proximité, très largement présent sur tout le territoire et capable de fournir des services variés à la population. Je suis extrêmement attachée à leur rôle sur nos territoires comme vecteurs de lien social et outils de démocratisation culturelle. Au moment où nous engageons une évolution de l’organisation territoriale des collectivités publiques, cela me paraît un élément fort sur lequel nous pourrons nous appuyer pour continuer à inventer un service culturel de qualité.
L’autre grande force des médiathèques et des bibliothèques, c’est la diversité de leur offre culturelle : elles savent proposer à la fois des livres, de la presse, de la musique, du cinéma, sous forme physique aussi bien que numérique… A l’heure de la profusion, leur grand défi est de faire connaître cette richesse, d’attirer toujours plus de jeunes, pour permettre la découverte de notre culture dans toute sa diversité, en développant encore davantage leur rôle de médiation.
Les crédits en faveur du livre et de la lecture augmentent de 2,8 % en 2015. C’est la preuve de l’attachement du gouvernement à ce secteur cher au cœur des Français. L’année 2014 est celle des bibliothèques avec la rénovation de quelques-unes des plus importantes, notamment le site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France ou la Bibliothèque publique d’information à Beaubourg. Le plan de soutien à la librairie restera une priorité en 2015, appuyé par le Centre national du livre. Il nous permettra de renouveler notre partenariat avec les régions avec des conventions tripartites Etat-Région-CNL en cours d’élaboration.