Souvenez-vous. C’était durant l’hiver 2012-2013. Le retour du refoulé d’un vieux pays qui ne s’aime plus. Une histoire d’amour qui tourne mal pour une loi ouvrant le droit au mariage et à l’adoption à l’intention des couples de même sexe. La belle affaire pour les uns, sale affaire pour les autres. Et des citoyens parfois à la remorque des politiques en matière de postures et de vulgarité. Et chacun, considérant que si le ridicule ne tue pas, il peut faire vendre livres et journaux, d’y aller de sa docte analyse, de l’exposition obscène de ses vertus, de sa tolérance ou de son quant-à-soi.
Loin de la meute, Charles Dantzig n’a pas participé à ces cris d’orfraie. En sorte de politique du genre, celui-là n’était pas le sien. Pourtant, les clameurs enfin tuent, il nous offre avec Histoire de l’amour et de la haine l’un des textes les plus forts autour de ces passions mal éteintes. Le mariage pour tous n’en est ni le décor ni l’objet, mais le point de départ et d’arrivée ainsi que la musique d’ambiance entre les deux. Charles Dantzig a trop d’esprit et de métier pour ignorer les dangers que "l’éditorialisme" fait courir à ce genre de projet, aussi s’y attelle-t-il avec ses armes propres, celles du roman, d’une fiction qui dit la vérité.
Soit donc une bande de jeunes et moins jeunes gens. Sept personnages en quête de hauteur. Ce serait dans un temps qui n’aurait plus rien du "vivace" et du "bel aujourd’hui", à Paris, ville éteinte. Voici Ferdinand qui a 20 ans, qui est beau et aime les garçons et pas les hommes si ceux-ci doivent être des succédanés de son père, l’odieux Furnesse, le député qui a pris la tête des mouvements anti-mariages gays, promenant sa morosité et sa sauvagerie d’un plateau de télévision à l’autre. Voici Armand et Aaron qui vivent ensemble et craignent de s’aimer séparément. Leur amie, Anne, que sa beauté tourmente, que sa douleur laisse intranquille. Il y a aussi Pierre Hesse, l’auteur d’Il me faudrait un petit palais, dont l’échec est d’abord celui du grand écrivain qu’il ne sait plus être, ayant choisi le silence et la nuit. Son amie Ginevra qui, comme la cavalerie, arrive un peu tard.
Au milieu de ses personnages disséminés comme dans l’adorable désordre d’une chambre d’adolescent, un montreur d’ombres : Charles Dantzig. Il a écrit là le plus jeune, le plus librement "nouvelle vague" de ses livres, le plus politique aussi. Olivier Mony