On croyait le choix de Tunis pour accueillir, les 24 et 25 septembre prochains en marge du sommet de la francophonie, les Etats généraux du livre en langue française, guidé par une volonté de souligner la multipolarité de la francophonie du XXIe siècle. On peut se demander aujourd'hui s'il ne procède pas plutôt d'une mesure de précaution pour s'assurer qu'aucun participant à cette rencontre voulue et annoncée dès 2017 à Francfort par le président Macron ne soit empêché d'y assister. Pas sûr en effet que ce soit le cas si elle se tenait dans l'ancienne puissance coloniale !

Pour un grand nombre d'auteurs et de professionnels du livre étrangers en effet, le voyage à Paris n'est plus une sinécure. En 2016, invité de nombreux médias et salons pour la rentrée littéraire, l'écrivain comorien Ali Zamir s'était vu refuser son visa jusqu'à ce qu'une pétition lancée par son éditeur, Le Tripode, ne conduise l'administration française à se raviser. L'année suivante, nombre d'invités marocains avaient éprouvé des difficultés à obtenir leur visa pour Livre Paris, dont leur pays était l'invité d'honneur. Pur scandale, la rétention pendant deux jours à l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle de Michel Choueiri, puis son expulsion le 15 janvier, constitue une nouvelle manifestation de cette francophonie sélective.

Aujourd'hui directeur de la librairie Culture & Co, à Dubaï, le libraire libano-canadien venait participer au bureau de l'Association internationale des librairies francophones dont il est un des membres fondateurs et qu'il a présidée de 2008 à 2011. Il avait avec lui son billet de retour cinq jours plus tard, mais la police des frontières ne l'a pas accepté avec un passeport canadien expirant fin février, malgré une attestation de renouvellement de l'ambassade du Canada. Si une personnalité aussi emblématique de la librairie francophone, par ailleurs chevalier des arts et des lettres, peut être ainsi humiliée à Paris, le combat pour le livre en français est mal engagé.

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