Le livre s'appelle Le sursaut et on sursaute effectivement à chaque page dans cette histoire feuilletonesque épique et pas sans piques, ce qui ne surprendra pas sous la plume de Franz-Olivier Giesbert. « Si je n'ai pas connu de Gaulle, j'ai beaucoup fréquenté les autres présidents de la V^e République, quand je ne les tutoyais pas. Ils m'ont toujours déçu. » Avec une riche documentation, mais aussi des souvenirs personnels, il déroule une fresque subjective du début de la V^e, avec une partialité revendiquée. « J'aurais tant aimé "suivre" de Gaulle comme journaliste. » C'est ce qu'il fait finalement, a posteriori. Fog avait 12 ans au moment du putsch des généraux en 1961 et 19 ans en Mai 68, mais déjà il s'éveillait à la politique dans une famille américano-normande plutôt à gauche où l'on en parlait régulièrement à table et où l'on collait des affiches le soir.

L'élément déterminant du retour au pouvoir du Général, c'est bien sûr l'Algérie. Le sujet occupe une grande partie de l'ouvrage, et c'est bien normal puisqu'on peut comprendre le projet gaulliste à travers lui. La vérité sur l'Algérie, l'homme du 18 juin la connaissait et il avait résolu de régler le problème, considérant que l'huile et l'eau ne se mélangent jamais, du moins pas longtemps. « On aura rarement observé une telle duplicité dans l'histoire de France. » Du haut de son verbe, le Général roule tout le monde dans la farine, au point de finir par croire à ses manigances. « Jusqu'à la fin, le Général s'est menti à lui-même. S'il a gagné la guerre, il a perdu la paix. » Fog déroule les étapes de cette tragédie algérienne, gaullienne et française, dont nous ne sommes toujours pas sortis, comme en témoignent les récentes tensions entre Paris et Alger sur la mémoire d'une guerre qui apparaît sans fin.

Alors gaulliste, Fog ? Disons qu'il apprécie le style du Général tout en n'étant pas dupe de ses amnésies et de ses ingratitudes, cette manière de ne pas faire ce qu'il dit et de ne pas dire ce qu'il fait. Ce qu'il aime, c'est le culot, cette forme outrancière du courage en politique qui a disparu dans les accommodements, la communication et la volonté de plaire aux Français plutôt que de gouverner la France. « Il fut, malgré ses pulsions autoritaires, l'un des présidents les moins monarchiques de la V^e République, l'un des moins sûrs de sa vérité et des plus ouverts à sa remise en question. » Et aujourd'hui ? Le constat est un peu amer après l'évocation de cet homme qui habitait « au-dessus de lui-même ». « Les civilisations peuvent mettre des siècles à mourir et il y a longtemps que la France dégringole la pente, à l'instar du vieux continent européen. » Pourtant, en intitulant ce premier tome Le sursaut, Fog ne hurle pas avec les loups du crépuscule. Sa réjouissante galerie de portraits gravitant autour de l'astre gaullien montre qu'un réveil est toujours possible. Du fameux clou de l'histoire auquel Dumas accrochait ses romans, il fait un portemanteau.