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Livres Hebdo - La collection "Continents noirs" fête ses 15 ans. Depuis sa création, elle a essuyé quelques critiques, certains l’accusant d’enfermer les littératures africaines et leurs auteurs. Que répondez-vous à ces attaques ?

Jean-Noël Schifano, directeur de la collection - Si une collection est artificielle, elle meurt. Or, nous sommes toujours là ! Quand nous avons publié nos premiers titres en janvier 2000, seule une poignée d’auteurs issus d’Afrique et de la diaspora étaient connus. "Continents noirs" a permis de mettre en lumière ces écritures africaines qui étaient alors l’objet de chasses gardées, ou simplement persillées de-ci de-là dans les grandes maisons. Même en 2012, lorsque Scholastique Mukasonga a obtenu le prix Renaudot, Frédéric Beigbeder a confessé dans Lire sa méconnaissance : on découvrait à Saint-Germain-des-Prés qu’il existait une autre littérature que celle du nombril. Aujourd’hui, la collection accueille des auteurs venus d’Afrique, de Nouvelle-Calédonie, de l’île Maurice… C’est une ouverture complète, pas un enfermement.

Vous publiez en effet une quarantaine d’écrivains aux styles et aux horizons multiples. Quel est leur dénominateur commun ?

Au-delà de l’ascendance africaine ou "diasporique", c’est avant tout la qualité extrême de leurs textes qui les rassemble. Par ailleurs, je n’ai jamais travaillé avec des auteurs qui jouent avec la littérature. Tous sont dos au mur : soit ils écrivent, soit ils meurent. C’est une littérature nécessaire, intense et variée, que je qualifie de réaliste baroque. Elle est en mouvement, montre la réalité sous toutes ses coutures, n’élude rien. Ces textes nous donnent une vision du monde, car plus une littérature est enracinée, plus elle est universelle.

Certains, comme Ananda Devi ou Nathacha Appanah, ont migré vers d’autres collections ou d’autres maisons. "Continents noirs" fait-elle office de tremplin ?

Comme partout ailleurs, les écrivains évoluent au gré de leurs désirs. Certains, comme Gaston-Paul Effa, sont revenus après avoir publié ailleurs. L’écrivaine Marie-Thérèse Humbert, auparavant chez Stock, nous a rejoints avec Les désancrés, à paraître en mars. Nous recevons aussi de plus en plus de manuscrits et cette jeune littérature est extrêmement vivante. A l’avenir, nous voulons d’ailleurs publier davantage de traductions.

Propos recueillis par Souen Léger

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