L'un des signataires de l'« Appel pour sauver les Archives » lancé par la CGT-Archives, Gilles Manceron, historien spécialiste du colonialisme et par ailleurs membre de la Ligue des droits de l'homme, s'inquiète du « désherbage » à venir au sein d'une institution citoyenne.
Pourquoi avez-vous signé l'« Appel pour sauver les Archives » ?
Ce qui me préoccupe, en tant qu'historien, c'est le fait qu'il n'y ait pas assez de moyens ni de place accordés aux archives. Après la fermeture du site de Fontainebleau, celui de Pierrefitte-sur-Seine risque de se retrouver saturé, et le projet de réaménagement du site du Marais ne permet pas d'accueillir des fonds volumineux au centre de Paris. Or la place des archives est une question politique au sens large. Elle n'est pas l'affaire des seuls archivistes, mais aussi des citoyens, qui ont le droit de consulter les documents de notre histoire. Au niveau humain, la question des personnels et de leurs conditions de travail m'a aussi poussé à me mobiliser. La notion d'« archives essentielles », employée un moment par la ministre de la Culture, et abandonnée depuis, a aussi fait réagir les historiens.
Je comprends qu'il y ait des impératifs budgétaires, je sais que le mètre carré coûte cher dans le Marais, mais parler d'utilité ou d'inutilité de certaines archives, c'est aller sur un terrain dangereux. Cela peut conduire à dire, par exemple, que les archives des prisons prennent trop de place. Les chercheurs qui travaillent sur ces sujets, qui ont recours régulièrement aux archives, ont voulu faire passer un message : « ne préjugeons pas de ce qui va intéresser demain ».
La numérisation ne doit-elle pas prendre progressivement le relais de la conservation papier ?
La numérisation est bien sûr utile, indispensable même, car elle permet de faciliter l'accès aux archives. Mais il faut faire attention à ce qu'elle n'implique pas la destruction des documents papier.
Ces derniers comprennent certains renseignements complémentaires, comme on a pu le voir avec les archives de l'IVG, qui représentent un pan essentiel de notre histoire sociale. La numérisation ne doit pas servir de prétexte à un désherbage.