Presque immédiatement après la communication du jugement le condamnant, vendredi 18 novembre, à 300 000 euros de dommages intérêts pour contrefaçon de livres au profit du groupe La Martinière, Google France a annoncé son intention de faire appel.
Outre les 300 000 euros de dommages intérêts de condamnation à verser à La Martinière, et un euro au SNE et à la SGDL, le tribunal a interdit à Google Inc de reproduire des ouvrages et d'en montrer des extraits « sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard ». Google a un mois pour se mettre en conformité. Il devra également faire publier sa condamnation dans trois journaux ou périodiques, et sur la page d'accueil du site Google Live. Le jugement est assorti d'une exécution provisoire.
Une compensation assez faible
« Ce qu'on nous a interdit, c'est de poursuivre la numérisation, mais surtout l'affichage de ces ouvrages, et uniquement les ouvrages de La Martinière », a déclaré à l'AFP le responsable juridique de Google France Benjamin du Chaffaut. « Ce n'est pas une injonction générale d'interdiction de référencer tous les ouvrages de tous les éditeurs, c'est uniquement, d'abord les ouvrages sous droit d'auteur, et ceux de La Martinière », a-t-il ajouté.
« C'est une compensation assez faible, mais ce qui compte c'est que le droit à la création et la protection de ce droit soient reconnus. Nous ne sommes pas contre Google, ni contre la numérisation, mais il faut en définir les conditions dans le respect du droit d'auteur », précise Tessa Destais, conseillère pour la communication d'Hervé de La Martinière, président du groupe du même nom, qui tiendra une conférence de presse ce lundi 21 décembre sur les suites qu'il entend donner à ce jugement.
« C'est une décision transposable à tous les éditeurs qui peuvent se prévaloir de ce premier jugement. On peut même envisager une procédure en référé, estime en revanche Me Mairie-Anne Gallot Le Lorier, avocate du Syndicat national de l'édition, même s'il ne s'agit pour le moment que d'une décision de première instance. »
« Nous regrettons cette décision qui va pénaliser les internautes français », a déclaré de son côté Philippe Colombet responsable du programme Google Livre pour la France et les pays francophones. « Nous allons examiner les attendus du jugement. La numérisation est réalisée sur le territoire américain, la décision du tribunal concerne des livres français et leur exposition en France », a-t-il répondu à une question précise sur la poursuite ou l'interruption du programme précisément au sujet des livres français.
Le responsable de Google Livre pour la France n'a pas indiqué non plus si la représentation des extraits de livres numérisés serait stoppée, comme le commande le jugement du tribunal de grande instance. Il n'a rien dit non plus des conditions d'une éventuelle négociation que les représentants des éditeurs et des auteurs déclarent souhaiter.
Se réunir autour d'une table
C'est une « grande victoire » a pour sa part déclaré Serge Eyrolles, président du Syndicat national de l'édition. Google doit en tirer « toutes les conséquences, notamment que ça ne sert à rien de faire appel et de repartir pour deux ans ». « Qu'ils arrêtent de faire de la judiciarisation leur outil de lobbying, ça ne sert à rien dans notre pays. Dans notre pays, ce qui est important, c'est de se réunir autour d'une table, de discuter », a-t-il ajouté. Le SNE annonce par ailleurs son intention de déposer des observations contre la seconde version de l'accord Google négocié aux Etats-Unis.
« Nous ne sommes pas mécontents », a commenté avec un certain sens de la litote Alain Absire, président de la Société des gens de lettres. « C'est la première fois que des auteurs gagnent un procès de ce type contre Google. Nous avons agi sur la base du droit moral, que Google n'avait pas voulu prendre en considération, il y a cinq ans ». « Nous sommes prêts à les reprendre, mais ce sera peut être moins confortable pour Google », a-t-il prévenu.