Lors d'une guerre qui opposa naguère plusieurs clans ennemis de la Cité, Servaint, le duc de la maison de la Caouane, força une geôle crasseuse et tomba sur deux enfants nus et couverts de boue, aux doigts griffus et terreux. C'est ainsi que Nox et sa sœur Daphné furent recueillis par le duc et devinrent à la fois une légende et le sujet d'une des multiples chansons interprétées par les conteurs de rue : « Nourris de vieux débris, carcasses de poulet/On les nomma de fait les enfants Suceurs d'Os ». Devenu adolescent, Nox effectue des livraisons pour Eustène, qui tient le très réputé magasin St-Vivant. Nox connaît par cœur les ruelles de la Cité, qu'il arpente pour se rendre chez un vigneron capable de produire intra-muros le meilleur vin jamais dégusté depuis un siècle, ou pour apporter des gâteaux aux amandes à Guenaillie, la fille du chef du clan de la Jubarte. Cette dernière lui offre un mystérieux recueil de poèmes, dont certains sont écrits selon un rythme qui semble suivre celui de la Cité. Les rumeurs qu'il entend depuis l'enfance commencent à l'inquiéter : les entrailles de la ville seraient constituées d'un mystérieux labyrinthe, et peuplées de créatures malfaisantes. Il est lui-même victime de visions terrifiantes, et il est poursuivi par un monstre, au moment où pointent de nouvelles menaces de guerres entre les différents clans.
Le comportement de sa sœur, dont la cruauté apparaît au grand jour, le perturbe, tout comme le creusement d'un canal souterrain qui pourrait conduire à l'expropriation des habitants et condamner la seule chose à laquelle il soit viscéralement attaché, un olivier trônant sur une rive du fleuve. Échappant à un assassinat, Nox décide alors de s'initier au maniement de la dague, en parallèle de cours d'éloquence. Entre tripots et tournois du jeu de la Tour de Garde, méditations dans la Tour au Moineau et heures passées dans l'étude des livres, le personnage de Nox est, pour le lecteur, une sorte de guide passionnant, littéralement habité par l'esprit de la Cité, qui sait que du vin coule dans les veines des habitants, qui mesure aussi qu'un effroyable bouleversement est en train d'advenir.
Le sang de la cité est le premier tome d'une saga composée à quatre mains, intitulée La tour de garde, et dont le deuxième volet, écrit par Claire Duvivier, sortira à l'automne. Ce roman initiatique habile et délicat s'interroge sur le sens et la portée des mythologies fondatrices des villes, qui parfois ont pour fonction de diviser sournoisement la communauté au lieu de l'unir, et dont les partitions occultes ne deviennent lisibles et intelligibles que quand on observe de près ses fondations physiques, fragiles, et parfois pourries, comme celles de la Cité. Ce qui nous laisse penser que les grands écrivains-monographes, ceux qui savent décliner la chronique imaginaire d'une ville, sont souvent ceux dont l'écriture est affûtée et portée aussi par un double regard, à la fois technique et poétique, celui de l'architecte et celui de l'urbaniste.
Le sang de la cité. Capitale du Sud. T.1
Aux Forges de Vulcain
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 20 € ; 416 p.
ISBN: 9782373051025