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Hachette Arabie

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Hachette Arabie

Lancée en 2010 par le groupe français en partenariat à 50-50 avec le groupe libanais Librairie Antoine, Hachette Antoine fait une percée dans le monde arabophone. Avec des techniques commerciales très éloignées des traditions de l’édition des pays développés.

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Par Fabrice Piault
avec Créé le 11.10.2013 à 19h29 ,
Mis à jour le 08.05.2015 à 15h07

A la très en vogue foire du livre d’Abu Dhabi (voir page 18), il tient l’un des stands les plus actifs. Elégance et modernité des maquettes, qualité de l’impression… En trois ans d’activité seulement, avec quelque 120 titres par an dans le « trade » (édition généraliste), 40 en scolaire et parascolaire, et au total un catalogue de 800 titres, Hachette Antoine s’est imposé parmi les acteurs les plus dynamiques de l’édition arabophone non confessionnelle. La société est présente dans 14 pays, du Liban, qui représente 20 % de son activité, à l’Arabie saoudite en passant par les Etats du Golfe ; et d’Egypte au Maghreb. Elle a notamment vendu fin 2012 plus de 100 000 exemplaires du best-seller Le noir te va si bien, de l’auteure algérienne née à Tunis et installée au Liban Ahlam Mosteghanemi, par ailleurs publiée en français chez Albin Michel. « Nous avons atteint l’équilibre dès la première année grâce au scolaire, et le “trade? l’est aussi depuis l’an dernier », se félicite Emile Tyan, le jeune P-DG (38 ans) de l’entreprise détenue à 50-50 par Hachette Livre et Librairie Antoine, l’un des éléments du groupe familial libanais de distribution et d’édition Antoine (voir encadré page suivante).

La percée de la société commune basée à Beyrouth, qui emploie 20 personnes également réparties entre l’éditorial et le commercial tout en s’appuyant sur la logistique de Librairie Antoine, a été rapide. Sa gestation, en revanche avait pris quelques années. « Hachette a eu dès 2006 l’idée de développer, hors scolaire, une édition en arabe, mais, du fait notamment de la guerre au Liban en juillet 2006, le projet n’a pas eu de suite », se souvient Emile Tyan, alors directeur commercial de Librairie Antoine. Fin 2008, cependant, la directrice du développement d’Hachette Livre, Catherine Cussigh, et Patrick Dubs, directeur d’Hachette Livre international, soumettent à nouveau l’idée au groupe libanais, qui avait lui-même commencé à se développer dans l’édition non scolaire en rachetant les éditions Naufal, riches d’un fonds en littérature et en histoire. Dès lors, au cours de l’année 2009, « tout est allé très vite, indique Emile Tyan. Le P-DG d’Hachette Livre, Arnaud Nourry, avait mandaté ses équipes pour réfléchir au développement du groupe dans les bassins linguistiques indien, chinois et arabe, dont il était absent. Quant à nous, chez Antoine, nous voulions sortir de nos frontières et nous régionaliser ». Le « passé commun » des deux groupes, qui « se connaissent et collaborent depuis soixante-dix ans », a fait le reste. Partis de l’idée d’Hachette de développer en arabe l’édition jeunesse et pratique, ils s’entendent finalement sur la mise en commun de l’ensemble de leur production arabophone, y compris en scolaire et en littérature.

Quatre marques.

Hachette Antoine, qui lance ses premiers titres en février 2010, compte aujourd’hui quatre marques spécifiques auxquelles s’ajoute un tout petit catalogue Hachette Antoine Référence. Bénéficiant des acquis de ses deux actionnaires sur le secteur, Hachette Antoine scolaire « a servi de colonne vertébrale à la société pendant deux ans », précise Emile Tyan. Outre des ouvrages parascolaires, il produit des collections en français, arabe, sciences et maths et se lance en anglais. Il propose aussi une méthode d’arabe langue étrangère et une collection pour la maternelle. A ses côtés, Hachette Antoine jeunesse est, malgré la concurrence, en plein essor. Près de la moitié de ses titres sont sous licence Disney. Les autres ont été acquis auprès de Nathan (Tchoupi), Gallimard (Drôles de petites bêtes), Pocket (Les petites poules) ou Hachette (Monsieur et Madame), ainsi que Les incollables et une petite production locale.

Hachette Antoine Pratique produit 15 à 20 titres par an dont notamment, en diététique, Pierre Dukan en arabe, ainsi que des livres objets coproduits avec Marabout. La littérature est développée sous la marque Naufal, avec une dizaine de nouveautés par an en fiction et non-fiction, réparties à parts égales entre créations et traductions, surtout des titres grand public en rapport avec la région. « Une des spécificités du monde arabe est qu’il est très peu réceptif aux best-sellers du monde occidental », remarque Emile Tyan, qui annonce néanmoins la traduction du dernier J. K. Rowling.

Pour le directeur général d’Hachette Antoine, « le vrai défi de la société se situait dans le “trade?, où les tirages sont généralement modestes, de 2 000 à 7 000 exemplaires ». Il a fallu « redécouvrir les réseaux de distribution très variés du monde arabe, et revoir le modèle économique en fonction de cette réalité », explique Emile Tyan, qui se dit « agréablement surpris par la capacité d’un groupe comme Hachette à accompagner ce type de marché dans toutes ses subtilités : il fallait renoncer à l’office, vendre à compte ferme, vendre sur des foires… Cela implique des flux de trésorerie différents. Dans le monde arabe, ce sont les éditeurs qui procurent le cash flow aux détaillants, et non le contraire comme en France ou au Liban, dont on a découvert qu’il constitue une exception dans la région », observe-t-il.

Une économie de marchés.

Comme pour ses concurrents libanais, égyptiens ou saoudiens, l’objectif d’Hachette Antoine est très clairement « panarabe » car, souligne Emile Tyan, « personne ne peut être autosuffisant sur un seul marché. Il n’y a pas un marché mais une multitude de micromarchés qui en forment un au total ». Pour vendre du livre dans le monde arabe, « il faut oublier tout ce qu’on connaît dans les pays occidentaux, complète-t-il, décrivant une économie de souks, de marchés plutôt que de marché. Hors du Liban et, dans une moindre mesure, d’Arabie saoudite, il n’y a pas de vrais réseaux de librairies. L’essentiel des ventes se fait dans des foires du livre, où la censure se relâche un peu. Nous n’allons dans certains pays qu’une fois par an, pour vendre dans une foire à la fois au grand public et à des détaillants. » Parallèlement, « le piratage est un cauchemar permanent », qui oblige l’éditeur, pour ses plus gros tirages, à tenter des sorties simultanées. Pour rendre la tâche des pirates plus difficile, l’éditeur, qui a mis un peu de temps à trouver des prestataires de qualité en design, fabrication ou marketing, a aussi adopté un format plus allongé, « à la Actes Sud ».

Désormais, après une progression de 200 % de son activité hors scolaire en 2012, Hachette Antoine entend « consolider ses acquis », dit son P-DG, qui prévoit également une offre numérique « importante » d’ici à la mi-2014. « Nous voulons réhabituer le lecteur arabe à des produits de qualité afin que le marché puisse croître à nouveau. S’il y a si peu de lecteurs dans le monde arabe, estime Emile Tyan, c’est aussi à cause de la pauvreté de l’offre. » <

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