Avant-critique Mémoires

Au nom d'Anne. Si l'expression n'était par trop galvaudée, on écrirait : « Voici une lecture dont on ne sort pas indemne. » C'est pourtant la stricte vérité. Jusqu'à la fin de ses jours, le 28 octobre 2022, à presque 94 ans, Hannah Pick-Goslar, qui s'était installée dès 1947 en Eretz Yisrael, la terre promise des Juifs, a raconté ce qu'elle avait vécu : la déportation à Bergen-Belsen, la Shoah, et en a porté témoignage dans le monde entier, surtout auprès des jeunes, afin que le souvenir de l'horreur absolue ne s'efface jamais et que face à la barbarie nazie, le « plus jamais ça » demeure la règle. Et le monde actuel avait, à ce titre, bien de quoi l'inquiéter, voire la désespérer, cette femme qui, pourtant, durant près d'un an, face aux pires horreurs, souffrances, humiliations qu'un cerveau malade ait pu concevoir, n'a jamais désespéré.

Hannah Pick-Goslar provenait d'une grande famille juive libérale allemande, installée à Berlin depuis mille ans. Son père, Hans Goslar, journaliste, était devenu le conseiller du premier ministre Otto Braun, jusqu'en 1933. Elle ne fut pas une déportée quelconque, si l'on ose dire : réfugiée à Amsterdam avec les siens, elle fut, à l'école Montessori, la condisciple et meilleure amie d'Anne Frank. Leurs familles se fréquentaient. Jusqu'à ce qu'Anne parte soi-disant se réfugier en Suisse... En fait se dissimuler dans le grenier de la Prinsengracht où, dénoncée, elle sera arrêtée et déportée à son tour dans le même camp de l'Étoile à Bergen-Belsen. Hannah a pu l'apercevoir, tenter de l'aider. Mais Anne n'a pas survécu. Dans l'illustre Journal de cette dernière, publié par son père Otto, rescapé, en 1947, Hannah figure en bonne place. Anne voulait être écrivain. Elle y est parvenue, et de quelle manière, par-delà la mort. Et c'est en son nom qu'Hannah a témoigné, et s'est mise également à se raconter, avec la complicité de la journaliste israélienne Dina Kraft.

On est frappé par la lucidité d'Hannah Pick-Goslar, son objectivité, son admirable courage et, oui, son humour. Son livre, comme le Journal d'Anne Frank, devrait être lu dans toutes nos écoles.

Hannah Pick-Goslar
Anne Frank et moi
Robert Laffont
Tirage: 8 500 EX.
Prix: 22,50 € ; 502 p.
ISBN: 9782221269435

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