Consacré à un auteur, et qui plus est un auteur qui refusait tout index à son œuvre, qui comptera une centaine de volumes quand tout sera publié, un dictionnaire s’apparente à une biographie dans le désordre. Ou plutôt réorganisée par ordre alphabétique. Ce Dictionnaire Martin Heidegger n’échappe pas à la règle. D’abord, il faut saluer l’impeccable travail où chacun trouvera de quoi satisfaire sa curiosité, ainsi que l’effort commercial qui met un instrument de haut niveau au prix de deux romans. Parmi les quelque 600 articles, les passionnés du « dasein » comme les étudiants en philosophie y trouveront matière à réflexion. Les sourcilleux sur le compagnonnage nazi aussi avec, on s’en doute, une défense en règle du philosophe dont les cours furent placés sous surveillance en 1936 et qui fut suspendu d’enseignement par les autorités du Reich en 1944. Enfin, les curieux, ceux qui cherchent des entrées historiques et culturelles dans une pensée très abstraite souvent résumée par des poncifs, ceux qui demandent des clarifications sur les liens entretenus avec Hannah Arendt, ceux qui souhaitent en savoir davantage sur les rapports de l’auteur d’Etre et temps avec la poésie, les arts et la culture, puiseront quelques outils de compréhension très utiles, voire même de vulgarisation, dans le meilleur sens du terme. Bref, une entreprise salutaire qui, si elle ne déconstruit pas Heidegger, offre différents parcours de lecture qui ont le mérite de le rendre un peu plus clair. C’était un pari, c’est devenu une réussite.
Laurent Lemire