Il fallait s'y attendre. Avec la sortie prochaine sur les écrans du Secret de la Licorne, premier opus de l'adaptation par Steven Spielberg des aventures de Tintin, il était fatal que la glose autour du célèbre reporter à la houppe, et surtout de son créateur, s'en trouve encore agrandie. Parmi ces livres, qui pour être de circonstance peuvent revêtir un véritable intérêt, le Hergé, ligne claire et ombres portées mérite d'être particulièrement distingué. Tout d'abord en raison de la personnalité d'un de ses auteurs, François Rivière, qui a connu son sujet, lui rendit à la fin de sa vie de fréquentes visites en ses ateliers de l'avenue Louise à Bruxelles, et a depuis trente ans, par ses scénarios et ses contributions critiques, grandement permis que soit faite toute sa place à l'âge d'or de la bande dessinée franco-belge. Le précédent livre qu'il avait cosigné avec son complice Benoît Mouchart, La damnation d'Edgar P. Jacobs (Seuil-Archimbaud, 2003), demeurant un modèle en la matière. Etait-il pour autant nécessaire, après Pierre Assouline ou Benoît Peeters, mais aussi Pierre Ajame et Numa Sadoul, de consacrer une nouvelle biographie à Hergé ? Quels éléments nouveaux peuvent le justifier ? Rivière et Mouchart ont l'intelligence de ne pas s'épuiser à courir derrière d'improbables scoops, mais apportent moins des informations nouvelles qu'un regard différent, ouvrant des pistes interprétatives (Moulinsart, territoire neutre, paradigme de la Belgique...) singulières et passionnantes. Ainsi, ils creusent comme nul ne l'avait fait avant eux le chemin de la folie de la mère d'Hergé, "rosebud" de l'oeuvre, avec sa théorie d'enfants sans mères égarés au coeur de leur liberté. Le reste parvient à demeurer tout à la fois profondément admiratif face à une oeuvre et un artiste majeurs du siècle dernier et sans concession ni complaisance (notamment à propos de la "légèreté" idéologique coupable d'Hergé).
