Après avoir exercé divers emplois dont certains n'ont eu pour seul intérêt que de l'amener à voyager, Marc Wiltz a réussi, en 1999, à faire de sa passion un métier, en créant Magellan & Cie. Une maison d'édition, petite mais réputée, dont la spécificité est, bien sûr, d'être entièrement dédiée au voyage. Quant à son porte-drapeau, Magellan, c'est, selon Wiltz, "le plus grand homme de tous les temps". Comme l'Homère de l'Odyssée est, s'il a existé, le père de tous les écrivains, en particulier des travel-writers. Wiltz, jusqu'ici, n'avait guère écrit lui-même, se contentant de célébrer son Havre natal, ville mal connue s'il en est, et de mettre ses pas dans ceux de Flaubert à Carthage, en repérages pour Salammbô.
Aujourd'hui, l'éditeur-auteur livre, derrière ce qu'il appelle modestement "un simple exercice d'admiration", "un coup de chapeau à quelques-unes des figures qui [lui] ont donné le goût du voyage", une somme à la fois enthousiaste, érudite et originale. Il a choisi 80 ouvrages de 79 auteurs (parce que Antoine de Saint-Exupéry est présent à la fois avec Le Petit Prince et Citadelle), qu'il regroupe par trois ou quatre, selon une thématique commune. Ainsi le chapitre "La saga des familles" rassemble Gabriel Garcia Marquez, Amos Oz, Amadou Hampâté Bâ et Arundhati Roy, ou celui consacré aux crapahuteurs fait cheminer ensemble Stevenson, Alexandra David-Néel, Maurice Herzog et Jacques Lacarrière.
Naturellement, tous les classiques de la littérature de voyage sont convoqués par Marc Wiltz, qui n'hésite cependant pas à surprendre en glissant Houellebecq ou Yasmina Khadra parmi ses auteurs de prédilection, en ne négligeant ni la BD ni le polar, ni Céline et son Bardamu. Au passage, il s'abandonne à quelques souvenirs personnels ou à des anecdotes. Le style est ferme, aisé, le ton juste un peu sentencieux parfois. Et on pourra bien sûr s'étonner de quelques absences : rien sur Voyage au Congo ni sur Le retour du Tchad, de Gide, juste une mention en passant pour "le vieux Pierre Loti", rien sur Paul Theroux ni Tahir Shah, et rien sur la nouvelle jeune génération des écrivains-voyageurs français. Mais chacun est libre de placer qui il veut dans sa bibliothèque idéale, et le nombre symbolique de 80 imposait sans doute à l'auteur des choix délicats. Et son éloge final de Malraux, à propos de La voie royale, lui vaut absolution.