Humensis est une structure "plug and play" capable d'intégrer aussi bien des maisons créées ex nihilo que des acquisitions, dans tous les domaines du savoir et de la connaissance », déclare Frédéric Mériot, directeur général de l'entreprise d'édition née fin 2016 de la fusion de Belin et des Presses universitaires de France (Puf). « Notre périmètre va maintenant bien au-delà de ce point de départ, nous sommes très ambitieux et nous avons beaucoup de projets »,ajoute-t-il, fort du soutien du groupe d'assurance Scor, actionnaire à 87 % de ce nouvel acteur sur le marché du livre, qu'il a constitué avec une rapidité saisissante.
Le jeune groupe, qui se définit comme « une confédération de moyens au service d'une fédération de marques », multiplie les reprises et les lancements de maisons et de médias, à un rythme tel qu'il n'y a déjà plus de place dans l'immeuble flambant neuf dans lequel il a emménagé début 2017. Encore très dépendant du marché scolaire (pôle Education et formation, dirigé par Guillaume Montegudet), considérable mais très irrégulier (58 % du chiffre d'affaires consolidé en 2017, année de réforme au collège), et du marché universitaire (pôle Savoirs de référence, dirigé par Monique Labrune), stable mais limité (15 % du CA), il doit diversifier ces deux segments, et renforcer ses pôles Culture et connaissances (20 % du CA, dirigé par Marie-France Audouard), et Littérature générale (7 % du CA, année de lancement), dirigé par Muriel Beyer, qui a toute la confiance de Denis Kessler, le P-DG de Scor.
Croissance externe
Ancienne directrice éditoriale de Plon, Muriel Beyer a lancé les éditions de l'Observatoire, première « maison-marque » de ce pôle littérature, et est également directrice générale adjointe du groupe. Elle est à l'origine du rachat des Equateurs - fondés par Olivier Frébourg -, bouclé pendant l'été (1,5 million d'euros de chiffre d'affaires, 20 à 25 nouveautés annuelles régulièrement dans les meilleures ventes, 400 titres au catalogue). « Je savais qu'Olivier Frébourg ne voulait s'occuper que de l'éditorial, et pas du back-office. Le format d'Humensis lui convient, il conservera ses locaux en Normandie et l'entière indépendance de sa programmation, qui repose sur sa personnalité », s'engage Muriel Beyer.
La directrice du pôle littérature est aussi à l'origine de la coédition de Long cours, un mook écrit par des écrivains voyageurs, dont les quatre numéros annuels seront désormais diffusés dans les seules librairies. « Nous le relançons avec les éditions de la Carizière. L'équilibre est à 6 000 exemplaires, ce qui était à peu près son volume de vente. C'est une belle revue, qui apporte un élément de prestige »,estime-t-elle. La diffusion-distribution passera chez UD/Flammarion, comme celle des Equateurs (chez Interforum jusqu'au 31 décembre).
En janvier, le groupe avait repris Premières Loges, qui publie L'avant-scène Opéra, revue consacré à l'art lyrique, et une collection (« Mode d'emploi ») sur le même sujet (360 000 € de CA). L'ensemble est rattaché à Savoirs de référence, en conservant ses locaux et son autonomie. « Si nous sommes efficaces, il n'y a pas de limite au nombre de maisons que nous pouvons accompagner, en leur proposant nos services généraux pour que leurs responsables se consacrent uniquement à l'édition. Nous sommes ouverts à tout ce qui concerne le savoir au sens large », lance Frédéric Mériot.
Développement interne
A la charnière de la croissance externe et du développement interne, Humensis relance la marque Herscher (pôle Culture et connaissances), éditeur d'art repris par Belin en 1987 et mis en sommeil en 2015. Les deux premiers volumes à paraître (Butcher Billy's strange fantasy, et Arttitude, vol. 4) sont confiés en coédition à Frédéric Claquin, spécialiste du street art, qui avait déjà travaillé pour la maison.
Rattaché au même pôle, HumenSciences relève de la croissance interne pure. « Cette marque est dirigée par Olivia Recasens, arrivée avec ce projet de vulgarisation scientifique qu'elle a travaillé, et dont les trois premiers titres seront publiés en janvier »,annonce Muriel Beyer. Dix sont prévus jusqu'en mai, en deux collections (« Comment a-t-on su... », dirigée par le physicien et philosophe Etienne Klein, et « Quoi de neuf en sciences ? »), avec l'objectif « d'expliquer la science dans la vie ».
En mars, Nicolas Gras-Payen (recruté chez Perrin, qui l'avait fait venir de Tallandier) démarrera, sous une nouvelle marque d'histoire, une programmation dont le rythme devrait atteindre 25 à 30 nouveautés par an. « Le but est de s'imposer face à Perrin et Tallandier », prévient la DGA. « Ces maisons-marques auront leur pleine autonomie. Nous fournirons moyens et services généraux aux directeurs qui construiront leur image et leur périmètre », insiste Frédéric Mériot. « Dans une niche de marché, il faut se situer par rapport aux concurrents et s'en différencier »,ajoute Muriel Beyer. « Et ces segments sont des terreaux à best-sellers inattendus », complète le directeur général, en évoquant La vie secrète des arbres (Les Arènes) ou Le charme discret de l'intestin (Actes Sud).
Tout en préparant la réforme des programmes du lycée, pour lesquels une vingtaine de salariés ont été recrutés et provisoirement installés dans la tour Montparnasse, le pôle Education se diversifie dans la formation numérique. Avec trois partenaires (English Attack, Global Exam et Learn Perfect), il vient de remporter un appel d'offres de 5,2 M€ sur deux ans lancé par la région Ile-de-France, pour la création d'une plateforme d'apprentissage des langues (anglais, allemand, espagnol, français langue étrangère) en vue des Jeux olympiques de 2024. « Ce pôle a vocation à se développer au-delà du scolaire, et le numérique en est le moyen, à l'aide de financements qui ne dépendent pas des utilisateurs », analyse Frédéric Mériot.
Le groupe lance aussi Pour l'éco, un mensuel pour les lycéens et leurs enseignants, et qui traite de l'économie sous l'angle de la pédagogie. La rédaction en chef est confiée à Stéphane Marchand, qui dispose de cinq permanents, pour la réalisation du papier et l'animation du site web, et d'une vingtaine de pigistes. « Le tirage initial est de 80 000 exemplaires diffusés en kiosque, complétés de 35 000 exemplaires envoyés à tous les professeurs d'économie et de sciences sociales. Et environ 10 000 disposent d'un abonnement financé par la GMF », précise Frédéric Mériot. Là aussi, le groupe rentabilise les services généraux de ses premiers magazines (Pour la science, Cerveau & Psycho).
Actionnaire solide
« Nous sommes organisés pour investir dans des projets importants. Peu de groupes ont cette capacité, qui repose sur le savoir-faire de nos équipes, et sur l'appui d'un actionnaire solide, doté d'une grande expertise dans l'évaluation du risque, se félicite le DG. Le développement organique est toujours comparé aux moyens nécessaires au rachat d'une activité équivalente », ajoute-t-il, en indiquant que Humensis a financé sur ses seuls moyens le rachat des Equateurs. « L'argent ne coule pas à flots. Contrairement à ce qui est affirmé, nous n'avons pas le "chéquier" de SCOR », insiste Muriel Beyer, contrariée des accusations de débauchage d'auteurs à coups d'à-valoir. « Je suis même moins généreuse que lorsque j'étais chez Plon. Mes auteurs m'ont pourtant suivie, et d'autres nous rejoignent, tel Frédéric Beigbeder », se félicite-t-elle.
Compenser le recul du scolaire
45 M€
Le chiffre d'affaires 2017 est, avec les filiales Edulib, Gerip, Le Pommier et
Pour la science, en léger recul.
En 2018, la croissance des activités hors scolaire compense partiellement la baisse
du pôle Education.
0,1 M€
Le résultat d'exploitation, qui porte les investissements dans les activités en démarrage, souligne Frédéric Mériot.
-3,8 millions
Le résultat net, impacté par les charges exceptionnelles (fusion, déménagement, restructuration).