Les fêtes reviennent à dates régulières. Encadrées de traditions : le 31 décembre est toujours alcoolisé, le sapin de Noël doit toucher le plafond, le « gâteau d’anniversaire » ne peut être qu’au chocolat. Ne change, dans la famille, que les visages qui flétrissent ou s’épanouissent. Parfois une place est vide, parfois un nouveau visage agrandit le cercle de famille. Le temps passe. Mais pour les chats ? « Gaga » de mon chat, je me suis longtemps demandé si je devais lui offrir un cadeau sous le sapin. Mais il n’a pas de soulier. Zoulou semble pourtant bien distinguer Noël, le jour de l’An et les anniversaires. Encore que les anniversaires… Disons que pour lui l’anniversaire n’est qu’un petit Noël. Tandis que Noël, ce sont des dizaines de sacs en plastique, en papier, des mètres de rubans qui lui rappellent ses jeunes années quand ce déballage le rendait fou, bondissant de façon hystérique, tirant sur les ficelles, rubans, cordons. Noël l’enchante, la Saint-Sylvestre le hérisse. Le jour de l’An c’est d’abord force de coups de sonnette qui le paniquent toujours autant et des dizaines de jambes piétinant, dansant qui l’obligent à longer les murs jusqu’à trouver une cachette calme. Mais Zoulou sait-il le temps qui passe ? L’année fut rude pour moi et pour les miens. Une vraie tension professionnelle, un licenciement, le début d’une nouvelle vie. Même si cela débouche sur des projets enthousiasmants, ces dix mois ne furent pas de tout repos. Et pourtant, dans quelques jours j’aurai réussi ma reconversion : je publie le 3 janvier mon premier livre en tant qu’éditeur (Allumer le chat de Barbara Constantine). Dix mois ont suffit. Et je suis fier du résultat. Une joie calme, sereine. Comme dirait Giscard, avec la réussite j’ai « jeté la rancune à la rivière ». Pourtant ceux qui m’ont licencié, pour l’essentiel, ont -à leur tour perdu- leur emploi. Je m’imaginais ricaner, leur adresser une carte genre : « Bienvenue au club ! » (des Assedic pour les moindres). Eh puis non. vieux fond judéo-chrétien, sans doute, avec un sourire je me suis contenté de les plaindre. Sincèrement ; pour certains simplement. A quoi sert-il de faire le sale boulot quant à son tour… C’est un jeu contemporain : le licencieur licencié. Qui peut en rire ? Les journaux se nourrissent d’événements sans cesse recommencés : on appelle cela des « marronniers ». L’hiver, c’est le premier mort de froid. Tous les ans la même histoire. Avec les mêmes questions. Pourquoi meurt-on de froid dans nos riches sociétés ? Pourquoi ne trouve-t-on pas un toit aux miséreux ? Pourquoi certains meurent alors que des places dans des abris restent vides ? Cette année les Enfants de Don Quichotte (quel beau nom pour des gens qui n’entendent pas se battre contre des moulins à vent) ont installé près du Canal Saint Martin (quel beau nom pour partager avec plus pauvre que soi) des tentes pour permettre à des gens pourvu de toit de partager une nuit avec des sans toits. Scandale ! « Des bobos », a clamé une sous-ministre. Au lieu de se moquer de Don Quichotte et ses disciples, proposez mieux ! Hiver, printemps, été, des enfants meurent de la violence qui gagne les rues et les écoles. La crise économique et sociale, la perte des repères, la télévision, les sauvageons et la racaille, etc. A chaque fois les mêmes questions. Que sont nos enfants devenus dans nos si riches sociétés ? Après le racket, les bagarres de bandes, les coups de couteaux, les filles brûlées vive, voici des collégiens de onze ans qui en tuent d’autres à coups de poings, de pieds. Pourquoi ? Cette année les enseignants du collège Albert Camus (quel beau nom que celui d’un Juste pour une école) font observer qu’avec le nombre de personnel qui leur avaient été promis, mais qui ne leur a pas été accordé, on aurait, peut-être, pu éviter la mort de Carl. « Ce n’est pas la question » a répondu un ministre. Au lieu de s’en prendre aux enseignants qui alertaient régulièrement leur administration sur le danger de violence qui montait, que leur répondez-vous, et que répondez-vous aux parents de Carl, que proposez-vous ? Problèmes capitaux que la vie minuscule de Zoulou n’entend pas. Pourtant dans sa vie où le temps ne ressemble pas au notre, il est des événements qui nous réjouissent. Cette année Zoulou est amoureux et il guerroie avec ses nouveaux ennemis. De nouveaux voisins sont arrivés avec leurs chats. Tout se passe dans le passage derrière chez nous qui était jusqu’alors une zone de chasse à la souris réservée à Zoulou. Ce passage est devenu terrain de manœuvres : un jeune chat a voulu annexer le passage. Depuis ce ne sont qu’embuscades, offensives, corps à corps et guerre de tranchée. Mais il y a aussi une petite chatte. J’ai surpris Zoulou en train de l’embrasser sur la bouche (la gueule si vous préférez). Compte tenu des circonstances, il n’y a ni mort, ni possibilité de conclure. Prévert disait qu’il préférait les chats aux chiens car il ne connaissait pas de chat policier. Il n’y a pas, non plus, de chat actionnaire. Zoulou fait la guerre et l’amour sans victime aucune.
17.10 2013

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