Punk's not dead. Né en 1957, Imagex, de son vrai nom Daniel Hochard, a fait un passage fulgurant dans la bande dessinée. Marqué par le punk, il publie au début des années 1980 des histoires courtes dans de nombreux fanzines et revues, notamment Viper, inspiré des comix underground américains des seventies. Il publiera deux albums, Mauvais rêves (Artefact, 1983) et Colonie de vacanse (Futuropolis, 1986). Et puis plus rien. Il deviendra au fil des années designer textile, concepteur de jeux vidéo, créateur de police de caractère. Mais de BD il ne sera plus question jusqu'à aujourd'hui et la publication de cette anthologie qui sort de l'oubli ses planches corrosives et dérangeantes.

D'emblée, on est désarçonné par « Colonie de vacanse » (sic), le récit qui ouvre cette compilation. Alors que des enfants font joyeusement des pâtés de sable sur une plage, des avions de chasse passent au-dessus de leurs têtes. Le texte accompagnant ces images est une lettre truffée de fautes que la petite Joëlle, 7 ans, écrit d'une main malhabile à sa mère. Elle raconte qu'elle s'ennuie, que la nourriture de la colo est mauvaise et chiche, que les moniteurs pleurent. Au détour d'une phrase, on apprend que Joëlle est là depuis plus de six mois. Quelle sorte de vacances est-ce donc ? Le malaise enfle dans les récits suivants. Attaque de chats, cadavres sur la plage et dans l'eau... Les années passent, Joëlle et ses camarades sont toujours coincés au bord de la mer. Ils se sont construits sans adultes, tels des enfants sauvages. Comme chez Charles Burns, des queues poussent à certains, un autre développe un étrange pouvoir. Et tout cela finit par tourner à Sa majesté des mouches...

La suite de l'anthologie est à l'avenant. Il y est question de survie dans un monde postapocalyptique, de monstres mangeurs d'humains, de curé masturbateur et meurtrier. Mais surtout, Imagex parle de l'enfance. Enfance en déroute, enfance maltraitée, enfance brimée mais aussi enfance cruelle. Les histoires sont d'autant plus dures qu'elles sont la plupart du temps racontées à travers la voix naïve des protagonistes - une fillette victime d'inceste et témoin de crimes de ses parents, un enfant battu, un gamin qui échange son vélo contre de la drogue, un écolier stigmatisé par ses camarades parce qu'il ne porte pas le bon déguisement, des jumeaux qui cohabitent dans le corps de l'un d'entre eux, handicapé, en proie à une société eugéniste... Les récits d'Imagex, au trait empruntant autant à Gilbert Shelton qu'au Fluide Glacial des débuts, montent tous en puissance jusqu'à leur chute, horrible, suffocante, révélatrice des misères du monde. Esprit punk oblige, Imagex raconte ses histoires aussi tristes que sordides de la manière la plus crue, la plus outrée. Alors que cette virulence n'était pas rare à l'époque, on reste estomaqué aujourd'hui par une telle radicalité.