17 avril > Histoire France

L’Europe s’en est longtemps désintéressée. Le pèlerinage à La Mecque constitue pourtant l’un des cinq piliers de l’islam et il accueille aujourd’hui trois millions de fidèles chaque année, soit le plus grand rassemblement humain au monde. Dans ce solide travail, Sylvia Chiffoleau raconte l’évolution de cette expédition qui marque la vie du croyant. Après avoir tourné autour de la Kaaba, couru entre les rocs de Safa et Marwa, bu l’eau du puits de Zemzem, foulé la plaine d’Arafat et lapidé une stèle représentant Satan, il revient avec le titre de hajj - "se rendre à" en arabe - qui lui vaut une autorité supérieure au commun des fidèles. Si cette pratique religieuse est antérieure à l’islam, elle fut refaçonnée par Mahomet qui en a fixé le scénario et les pratiques.

Mais ce n’est pas la dimension théologique qui intéresse Sylvia Chiffoleau. Historienne, chercheuse au CNRS, membre de l’Institut français du Proche-Orient, elle a abordé ce sujet hors du champ religieux. C’est ce qui rend son approche accessible et passionnante. Elle s’appuie pour cela sur les récits de pèlerinages, les témoignages de médecins ou les documents administratifs pour nous montrer une industrie sous contrôle. D’abord de l’Empire ottoman puis des Saoudiens après la Première Guerre mondiale. Elle montre aussi que les colonisateurs néerlandais, britanniques ou français ont tenté, à partir du XIXe siècle, d’administrer à leur façon cet acte de foi. La France fabrique même une réglementation particulière. Elle peut ainsi, pour des raisons politiques ou sanitaires, interdire le pèlerinage.

Sylvia Chiffoleau explique aussi fort bien comment l’abandon des caravanes pour les bateaux à vapeur puis les avions a modifié ce voyage. Au XIXe siècle, l’offensive du choléra transforme l’événement religieux en pèlerinage de l’épouvante. En 1865, la maladie décime 33 000 personnes. Il faut donc désormais prendre en compte les risques épidémiologiques liés aux mobilités.

Le contrôle des lieux saints par les Saoudiens s’accompagne de la suppression de certains cérémoniaux et de l’usage du tabac. A partir des années 1920, les puissances coloniales s’inquiètent du nationalisme arabe qui se cache au Hedjaz, la région qui comprend Djeddah, La Mecque mais aussi Médine, deuxième ville sainte de l’islam où se trouve le tombeau de Mahomet.

En historienne, Sylvia Chiffoleau nous décrit un événement religieux traversé par le politique. En nous plongeant dans le quotidien de ces pèlerins, elle détaille une gigantesque organisation qui touche de nombreux secteurs de l’islam, et même bien au-delà. Laurent Lemire

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