Le propre d'un écrivain de talent, d'un conteur hors pair comme l'est Jean-Christophe Rufin depuis ses débuts romanesques en 1997 avec L'Abyssin (Gallimard), c'est de prendre son lecteur par la main, les yeux, l'intelligence et le cœur, et de le conduire là où il l'a prévu, à savoir, cette fois, en haute montagne. Et peu importe si l'on n'est pas skieur, alpiniste, grimpeur, ni même randonneur, si on a le vertige, si on déteste le froid, si on n'est pas fan de littérature montagnarde et de toute la mythologie qui va avec : on marche, et avec plaisir.
Toute cette affaire est née d'une anecdote. Un jour, Rufin était parti pour escalader l'aiguille de la République, au-dessus de Chamonix, là où ce Berrichon passe désormais une partie de sa vie. La meilleure, la plus exaltante semble-t-il. En compagnie de Sylvain (Tesson), son complice en farfelu, de Cathy (Simond, « arrière-petite-fille du célèbre Joseph, premier conquérant de ce magnifique sommet »), et de Daniel (Du Lac, « grimpeur exceptionnel et ami précieux »). L'ambiance est à la joie. Mais ils se font surprendre par la nuit, et se trouvent dans une position plutôt périlleuse dans le vide. Alors, afin de conjurer son inquiétude et celle de ses amis, Rufin lance un sujet de discussion quelque peu surréaliste vu les circonstances : pourquoi, selon lui, le grand roman de montagne, façon Frison-Roche, a-t-il quasiment disparu ? Et les quatre de papoter, jusqu'à ce que leur guide les sorte de leur mauvais pas. Et fournisse de surcroît à Rufin un sujet de roman de montagne contemporain : l'histoire d'amour rocambolesque de Rémy, un bôgosse guide de montagne hédoniste surnommé « le gigolo des neiges », et de Laure, une financière parisienne glaciale en apparence.
Que la montagne est belle...
Ils se rencontrent lors d'une grimpe, se revoient, couchent ensemble, tombent amoureux. Rémy, mordu, plaque même la montagne pour rejoindre sa belle : lourde erreur. Il leur faudra des années, et bien des drames, pour finir par se retrouver. On n'en dira pas plus, si ce n'est que la montagne est vraiment mise en majesté par Rufin, sans trop insister sur la technique, et que le lecteur ne peut que se passionner pour les destins des deux héros. Pari réussi, donc.
Parallèlement, Jean-Christophe Rufin publie, dans la petite collection originale de chez Arthaud « Versant intime », dirigée par Fabrice Lardreau, un recueil d'entretiens avec celui-ci, Montagnes humaines. Rufin s'y confie sur son enfance, ses choix de vie, et son rapport à la montagne, bien sûr : « Je me suis toujours approché de la montagne comme s'il s'agissait d'une bête à apprivoiser. Ce n'était pas un monde hédoniste, attirant, mais un décor qui me faisait peur et qu'il fallait dominer. » La montagne, ça se gagne... Il nous fait également partager quelques-unes de ses lectures montagnardes, du Kessel des Cavaliers à Frison-Roche. La boucle est bouclée.
Les flammes de pierre
Gallimard
Tirage: 120 000 ex.
Prix: 21 € ; 352 p.
ISBN: 9782072930119
Montagnes humaines
Arthaud
Tirage: 11 000 ex.
Prix: 13 € ; 192 p.
ISBN: 9782081492967