Il est un autre. Jean-François Hardy, 35 ans, est un brillant sujet, qui fut plume au ministère de la transition écologique. Ce qui a sans doute nourri La riposte, son premier roman (Plon, 2021), un thriller écolo flippant en légère anticipation avec notre époque aveugle. Aujourd'hui agent ministériel, il revient avec un bien curieux opus, dont le modèle avoué est Fragments d'un discours amoureux de Roland Barthes (souvent cité et à qui le présent ouvrage est dédié), le livre le plus personnel de l'auteur des Mythologies qui, sur le tard, flirtait avec la fiction.

Chez Hardy, point de fiction mais l'espèce de chronique d'une rupture amoureuse, de celles qui marquent et qui durent. Tout repose sur les mots, comme le premier d'entre eux : « l'autre », celui qui faisait partie du « nous », et dont on ignorera presque tout, le prénom, le sexe, la description. Face à ce naufrage, le narrateur (qui ne passera au « je » que vers la fin) se réfugie dans l'écriture et tente de mettre en mots ses sentiments. De façon postmoderne, poststructuraliste, avec des entrées de dictionnaire, des articles pas toujours évidents, qui nécessitent même la présence d'un glossaire. Mais non sans humour : on y trouve par exemple un usage particulier du « ping » et du « pong » et, parmi les nombreuses citations (façon Sollers), Barthes se retrouve à côté de Joe Dassin ! Il y a aussi cet aveu d'un voyage en Inde, sur lequel on aimerait en savoir plus. Bref, c'est original, inclassable, intello, et ça se termine bien : « J'aime vivre », déclare l'auteur. Ouf !