Roman France

C'est un homme qui revient de loin. De sa mort, en fait. Ou de quelque chose qui aurait pu l'être. Car, un matin, il y eut un voyage aérien et la sensation trouble, du réveil jusqu'à l'aéroport, que celui-ci pourrait, devrait, être le dernier. Cet homme qui ne sait alors plus trop bien s'il a vraiment encore envie de vivre ne va pourtant pas s'abandonner déjà à la volupté de mourir. Apercevant sur l'aile de son avion les traces de ce qui pourrait être une fuite de carburant, il s'en enquiert après du personnel navigant, se sauvant ainsi que tous les passagers du vol d'une fin tragique. La camarde attendra et la vie, bientôt, reviendra. Dès le lendemain en fait, quand notre voyageur, dont les bagages les plus lourds semblent être ceux de sa mémoire, se retrouve à Marrakech, dans un riad superbe. Là l'attendent à la fois le souvenir de sa première propriétaire, une Française, traductrice du Coran dans notre langue, et la promesse floue d'une silhouette de femme qui pourrait ressembler à l'amour. Le jardin de ce riad sera celui des délices et des désirs. Notre homme, écrivain de son état, y divague joliment entre patio et chambres obscures, qui sont autant d'origines du monde. Puis, accompagné jusque dans le sud du pays d'un photographe qui n'a pas ses prévenances, il rejoindra cette femme, cette Marocaine à la beauté austère et craintive, qui est si singulière et pourtant toutes les femmes à la fois. Pour la trouver vraiment et se trouver aussi, il fera donc un détour par la vie.

Riyad est le nouveau roman de Jean Guerreschi. Plaisir après plusieurs années de silence de renouer enfin avec la belle écriture de pleins et de déliés, sensuelle aussi, de l'auteur de Montée en première ligne (Julliard, 1988), de Seins ou de Bélard et Loïse (Gallimard, 2006 et 2010). Plaisir également de se voir confirmer que Guerreschi n'entend toujours pas conférer à la littérature autre chose que les plus nobles fonctions. Jamais il ne cède aux facilités du genre ni à celles de l'époque. Il va, traçant son sillon, attentif à pouvoir encore et toujours écrire l'indicible. Le réel en tenue de gala. Les vents, les parfums, l'amour des femmes qui ne sont fatales que pour ceux qui n'ont pas encore compris que seule la tristesse l'est. Il va sur la page comme l'on se promène, mû par son seul bon plaisir. Alors, peu importe si parfois les années et les visages, les corps, se confondent. À la fin, il ne restera rien. Qu'une joie, une joie immense. Celle d'un livre griffé par le souvenir d'un amour qui reste toujours à faire et à écrire.

Jean Guerreschi
Riyad
Serge Safran
Tirage: 1 500 ex.
Prix: 16,90 € ; 160 p.
ISBN: 9791090175938

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