Jean-Philippe Toussaint à l'école des traducteurs

Olivier Mannoni et Jean-Philippe Toussaint ©ca

Jean-Philippe Toussaint à l'école des traducteurs

L'écrivain est venu parler de sa relation avec ses traducteurs aux élèves de la toute nouvelle Ecole de traduction littéraire du Centre national du livre. Une invitation à l'audace tout autant qu'à la rigueur.

Par Catherine Andreucci
avec ca Créé le 15.04.2015 à 21h00

Ce 19 mai, le Centre national du livre ouvre ses portes aux 15 étudiants de la session expérimentale de l'Ecole de traduction littéraire qu'il a mise en place depuis le 7 avril. Chaque samedi, l'école, dirigée par Olivier Mannoni, ambitionne de leur transmettre une pratique du métier, une réflexion sur l'acte de traduire et des outils professionnels, à travers des échanges avec des éditeurs et des traducteurs chevronnés.

Ce matin-là, l'écrivain Jean-Philippe Toussaint leur parle du travail particulier qu'il mène depuis une dizaine d'années avec les traducteurs de ses ouvrages au Collège européen des traducteurs littéraires de Seneffe en Belgique. « J'ai pris conscience de ce qu'est le travail du traducteur », explique l'auteur de La salle de bains, Faire l'amour, La vérité sur Marie (Minuit). «Ce qui ne veut pas dire que j'ai changé ma façon d'écrire en conséquence. Ce n'est pas à moi de faciliter le travail du traducteur en amont.» En revanche, il peut l'éclairer sur son propre texte, expliquer le choix d'un mot, préciser ses « intentions conscientes et les arrière-plans, les connotations de la phrase.» Surtout que, lance-t-il, « les traducteurs sont d'impitoyables lecteurs, et l'on a intérêt à écrire de bons livres ! ».

Au fil de la matinée, les étudiants, qui sont venus chercher dans cette école une «philosophie de la traduction» selon l'une d'eux, peuvent recevoir les réflexions de Jean-Philippe Toussaint comme autant de conseils. « Quand on écrit, souligne-t-il, il y a une sorte de zone de flou acceptable et presque inconsciente, et cette zone de flou, le traducteur l'enlève. Chaque mot va être mis sur une pince à linge. Il est important que la grammaire et le vocabulaire soient précis. Ensuite, ce « sfumato », le traducteur peut le recréer dans sa langue et supprimer l'impression de corde à linge. A lui de retrouver cette petite dose d'imprécision absolument nécessaire à la fluidité de la langue. »

Face aux traducteurs, le rôle de l'auteur n'est pas de s'immiscer dans la langue d'arrivée. Mais, précise-t-il, «je veux être extrêmement présent, responsabiliser le traducteur, le stimuler, l'encourager. Je veux m'assurer qu'il ait envie de bien faire, qu'il prenne le livre à coeur. » Ainsi, « les conditions idéales de la traduction » à ses yeux, seraient les suivantes: « présence de l'auteur ; 6 ou 7 traducteurs pour avoir une ouverture, des regards croisés sur le texte ; et plusieurs personnes dans chaque langue car il est important que le traducteur dialogue avec d'autres. » Mais aussi, ajoute-t-il, «trois mois de repos» après le travail avec l'auteur, afin que le traducteur s'en affranchisse, tout en le gardant en tête.

Jean-Philippe Toussaint, qui rend compte du travail avec ses traducteurs sur son site Internet, a confié aux étudiants sa tentation d'écrire un texte sur la traduction.

15.04 2015

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