En 2015, Valérie Toureille publiait un excellent travail sur Le drame d'Azincourt (Albin Michel) dont les conséquences furent désastreuses pour le pays et pour les esprits. Cette Jeanne d'Arc s'inscrit dans la continuité, puisque la Pucelle d'Orléans est une enfant de cette bataille perdue. « À sa façon, Jeanne d'Arc est une héritière d'Azincourt, comme l'étaient, à leur manière, Charles VII, le Bâtard d'Orléans, les capitaines de guerre, mais aussi tous les anonymes qui, spontanément, dans un pays abandonné par ses élites, se mirent à résister à l'occupation anglaise. »

Dans une France sans repères, l'enfant de Domrémy montre la voie aux seigneurs en suivant les voix des saints qu'elle est seule à entendre. L'historienne restitue fort bien cette épopée dans son environnement et elle commence fort judicieusement son récit sur le siège et la bataille d'Orléans. On y suit Jeanne, blessée, poursuivre le combat avec une détermination qui galvanise les soldats. Le miraculeux fait alors bon ménage avec le rationnel. C'est ce qui permet de comprendre que les autorités confient une troupe à une jeune fille sans expérience.

Mais Jeanne n'est pas qu'une héroïne portée par la grâce. Si elle craint plus le péché que la mort et n'aime pas qu'on jure comme le font ses compagnons d'armes, elle aime aussi plaisanter. Dans ces pages très documentées, on la voit vivre, non pas comme une sainte, mais comme une personne gracile. Pour parvenir à cette efficacité, Valérie Toureille a procédé à une relecture des textes et des témoignages.

Charles VII profite du charisme de cette guerrière enthousiaste. Elle devient un instrument politique dans le sauvetage du royaume, dans un « monde dominé par la guerre, hostile aux femmes » qui ne peuvent que s'entraider pour subsister. C'est même sa féminité qui la perd aux yeux des clercs, non le fait qu'elle manie l'épée et montre à cheval « comme un homme ».

Arrêtée, enchaînée, ses geôliers veulent la faire céder par des injures et des menaces. Elle a 19 ans et tient bon. Après une parodie de procès, Jeanne est condamnée, puis exécutée sans que Charles VII ne fasse un geste. L'attitude du roi de France reste toujours un mystère. Avec prudence, Valérie Toureille s'arrête au seuil de la légende qui commence...